Stérilisation obligatoire des chats: quels sont les risques?

Les propriétaires ont l’obligation de faire stériliser leur animal pour lutter contre la surpopulation féline. Une mesure radicale qu’il ne faudrait pas appliquer trop radicalement.

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Aujourd’hui, Eliott a rendez-vous chez le vétérinaire. Il ne le sait pas encore, mais ce beau chat tigré de cinq mois et demi n’a plus que quelques heures à vivre dans sa condition de mâle reproducteur. Une mesure d’hygiène voulue par ses propriétaires qui expliquent avoir pris cette décision pour faciliter la vie d’Eliott au sein du foyer. “Le chat mâle non castré développe un comportement de marquage: il urine fréquemment pour marquer son territoire, y compris à l’intérieur de sa maison, peut-on lire sur le site Internet “jesterilise.be”. Si votre chat est opéré, vous lui évitez les risques d’agressions avec les autres chats. La castration rend également votre compagnon plus calme et affectueux.

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Mais vous lui éviterez aussi de voir son éventuelle progéniture promise à l’abattoir. On compte plus de 2 millions de chats dans le pays. Parmi eux, bon nombre de chats errants et un nombre croissant d’abandons, en particulier pendant la période estivale. Vétérinaires et refuges s’efforcent depuis longtemps de sensibiliser les propriétaires de chat à la stérilisation de leur animal et les autorités ont fini par se saisir du problème. Depuis le 1er novembre en Wallonie, et depuis le 1er janvier à Bruxelles, les propriétaires de chat sont désormais obligés de faire stériliser leur animal - mâle ou femelle - avant l’âge de six mois. En première ligne pour constater la surpopulation féline, et les problèmes que cette situation posent sur le plan du bien-être animal, les refuges pour animaux réclamaient cette mesure depuis très longtemps. “Tous les refuges du pays sont saturés, explique ainsi Jean-Marc Montegnies, président du refuge Animaux en Péril à Ath. Chaque année, on abandonne à peu près 30.000 chats dans les refuges pour animaux, lesquels sont obligés de se charger du “sale boulot” puisqu’à peine la moitié d’entre eux seront finalement adoptés.” Le sale boulot, c’est l’euthanasie que pratiquent chaque année les refuges sur les 15.000 chatons restants faute de foyer disponible pour les adopter. “Un véritable génocide”, dénonce Jean-Marc Montignies.

Une catastrophe génétique?

Il faut voir l’état dans lequel on récupère certains chatons”, ajoute Sébastien de Jonge, directeur du refuge Sans Collier à Perwez. Certaines personnes en effet n’hésitent pas à abandonner des portées de chatons en pleine nature. “Quand quelqu’un nous les amène, certains ont un œil crevé, voire bien pire encore. Nous sommes obligés de les euthanasier car ils ne sont tout simplement plus viables.” La multiplication des abandons et ce déséquilibre structurel entre naissances et familles adoptantes ont amené le Conseil du bien-être animal - un organisme consultatif organisé, à l’époque, au niveau fédéral - à réfléchir à une solution. Un “Plan chat” pluriannuel a ensuite été adopté en 2012 avant que la compétence ne soit transférée aux Régions. C’est désormais à elles qu’il incombe de faire respecter la législation. Avec toutes les difficultés que cela suppose sur le plan pratique.

Cette mesure est un non-sens”, s’insurge le Dr Thierry Tramasure, vétérinaire à Wavre et représentant du Conseil régional francophone de l’Ordre des médecins vétérinaires. En plus d’être totalement inapplicable, selon lui, cette obligation de stérilisation risque d’avoir deux effets pervers. L’un sur le plan de la génétique. L’autre sur le plan du bien-être animal.

S’ils risquent une amende, les particuliers iront-ils encore déposer des chatons dans les refuges?

Quand on réduit une population, on réduit fatalement la diversité génétique, explique ainsi le Dr Tramasure. Or on constate déjà des tares génétiques chez les chats dits ”de race” liées à des problèmes de consanguinité.” Avec la nouvelle législation, il faudra désormais obtenir un agrément d’éleveur si l’on souhaite avoir des chatons et les vendre à des particuliers. Certains vétérinaires craignent que la perte de diversité génétique aboutisse, à terme, à des problèmes de consanguinité à l’échelle de toute la population des chats dans le pays. Autre effet pervers de la mesure, l’augmentation possible du nombre d’abandons qu’elle est censée enrayer. “Autrefois, quand une chatte avait une portée, on allait apporter les chatons dans un refuge, poursuit le Dr Tramasure. Mais demain, si l’on risque une amende, ou une dénonciation, les particuliers vont-ils encore faire cette démarche?

Des arguments balayés d’un revers de la main par les refuges pour animaux. “Aucun refuge n’ira jamais dénoncer quelqu’un qui lui apporte des chatons, pas plus aujourd’hui qu’hier”, assure Sébastien de Jonge. Quand à l’argument de la génétique, il ne tient pas la route selon lui, justement parce qu’il est impossible de faire appliquer la législation partout. “L’obligation de stérilisation ne sera jamais respectée par 100 % de la population. C’est un peu un idéal à atteindre. Si 20 % des gens s’y conforment, et si les euthanasies baissent de quelques milliers, on aura déjà fait un énorme progrès.

Il est d’ailleurs encore trop tôt, selon lui, pour mesurer une amélioration au niveau du nombre d’abandons. “On en verra sans doute les premiers effets d’ici trois ans.” D’ici là, la nouvelle mesure entrera petit à petit dans les mœurs. “C’est un peu comme l’interdiction de fumer dans les cafés et les restaurants, ajoute Jean-Marc Montegnies. Aujourd’hui cela semble évident pour tout le monde. Nous espérons que cela sera pareil avec la stérilisation des chats.” Si les vétérinaires ont un point de vue différent de celui des refuges, c’est sans doute parce que l’un et l’autre évoluent dans des réalités différentes. Les refuges sont confrontés quotidiennement à la maltraitance animale. Les vétérinaires, eux, voient majoritairement des animaux bien traités, et des propriétaires qui prennent soin de leur animal de compagnie.

 

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