
Raconte-moi une histoire d’amour

On dit “tomber” amoureux. Une action incontrôlée, une chute. La rencontre d’une vie, ce moment où l’on décide finalement de baisser la garde pour laisser une autre personne s’intégrer à notre quotidien et chambouler notre routine, aussi rock’n’roll soit-elle. L’amour c’est fort, parfois destructeur, souvent passionnant et toujours inspirant. Trois personnes ont accepté en toute légèreté de nous raconter leurs histoires de cœur, celles qui ont fait la différence.
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“Nous n’étions sûrement pas destinés à nous rencontrer. On ne vivait pas dans le même pays, on ne parlait pas la même langue, on n’avait pas la même culture.” Et pourtant, Ilan a croisé la route d’Eva, 31 ans, un soir de juillet, il y a huit ans. “J’étais partie en Israël avec mon frère, pour des vacances. On allait rejoindre un ami qui habitait à Tel-Aviv et qui était dans un programme qui s’appelait le Course Native, pour les soldats étrangers. Le soir de notre arrivée, il nous propose d’aller boire un verre et de rencontrer ses potes, parmi lesquels il y avait Ilan. On a écumé tous les bars ouverts de la ville jusqu’au petit matin. Le lendemain, Ilan retournait à l’armée et moi je commençais mes vacances.”
De là commence une correspondance quasi quotidienne sur Facebook. À l’époque, Eva - qui est Belge - ne parle pas anglais ou presque, alors qu’Ilan est né en Irlande. Pour rédiger ses messages, elle s’aide de Google Translate et d’une amie anglophone. “On a commencé à s’écrire sur Facebook. Les smartphones n’existaient pas encore vraiment, du coup on ne pouvait pas compter sur Whatsapp. On s’est écrit durant plus de trois mois après ne s’être rencontrés qu’une seule soirée. Je sentais que c’était quelqu’un de différent, d’intelligent, de sensible, pas frimeur. Très différent de la majorité des garçons que j’avais rencontrés à Bruxelles.” Elle décide alors de retourner en Israël fin octobre, pour revoir Ilan avant qu’il ne retourne en Irlande, après avoir fini son service. Et là, ça a été une évidence.
Plus d’amour, moins de passion
“On ne s’est plus vraiment quittés à partir de ce moment-là, on a commencé à se voir quasiment tous les mois entre Bruxelles et Cork. À l’époque il n’y avait pas de vol direct entre ces deux villes, donc il fallait chaque fois passer par Dublin et prendre le bus le plus long du monde pour descendre. C’était difficile, mais on a tenu le coup.” Deux ans plus tard, alors qu’elle vient d’être diplômée, la jeune femme décide finalement d’aller s’installer en Israël, où son compagnon a commencé des études. “C’était très dur de quitter la Belgique, surtout les premiers mois. Il faut se recréer une vie, un cercle d’amis… Mais je ne regrette pas une seule seconde.” Le couple vit désormais à Londres et attend son premier enfant, qui sera élevé entre deux langues, entre deux cultures.
Pour Julien aussi, la rencontre avec Dimitri a sonné comme une évidence. “Ce n’est sans doute pas très glamour, mais comme avec de nombreux couples gays, ce sont deux copines respectives qui nous ont présentés. Souvent ça ne rime à rien, nos amis se disent que parce qu’ils ont un ami homosexuel, ça va forcément matcher. Du coup j’avais souvent entendu parler de Dimitri, et réciproquement. Finalement, un jour, on a commencé à parler sur Facebook, sans rien attendre de spécial, sans doute pour éliminer cette option. Et ça a très vite matché.” Ils décident rapidement d’aller boire un verre et le charme opère. Un même feeling, quelque chose de spécial. “J’ai eu quelques copains avant de rencontrer Dimitri, mais je crois qu’aujourd’hui, à 35 ans, je peux dire que je n’avais jamais vraiment été amoureux. J’avais tendance à m’enfuir au bout d’un mois dans mes précédentes relations, parce que je m’étais lassé. Là, c’était différent, je le trouvais intéressant, beau et très intelligent. Je redoutais le moment où, comme d’habitude, j’allais m’ennuyer...” Les mois passent, les années passent et la lassitude n’arrive pas. Au contraire, l’amour ne fait que se renforcer.
“Ce qui rend notre histoire spéciale et durable, je pense que c’est qu’on se laisse la possibilité d’exister individuellement. On n’est pas du genre à tout faire ensemble, loin de là. On se comprend, on s’estime. Et pour moi c’est fondamental.” La confiance aussi fait partie intégrante de ce duo qui décide après un an de relation d’habiter ensemble. “C’est mon copain qui a mis l’idée sur le tapis. J’avoue que ça me stressait énormément, j’avais toujours habité en coloc jusque-là, j’étais assez individualiste finalement et j’avais peur de devoir sacrifier mon indépendance.” Ils mettent près d’un an à trouver l’appart de leurs rêves et sautent le pas. Une nouvelle fois, toutes les craintes de Julien s’effacent. “Je crois que je mettais trop de pression. L’amour, c’est quand même quelque chose de sérieux, on y pense toute sa vie et quand on l’a, on a peur qu’il s’évapore comme il est arrivé.”
“C’est compliqué, l’amour, il faut pouvoir avancer au même rythme toute sa vie.”
Après 36 ans de relation, Sylvie croit toujours en l’amour, mais plus à la passion. “C’est étrange de voir comme le temps fait évoluer les sentiments. J’aime toujours Charles, j’en suis persuadée, mais c’est plus comparable à de la tendresse. On a tout vécu ensemble, on a grandi à deux, voyagé, élevé nos enfants, déménagé, dansé, hurlé…” Et pourtant, comme inévitable, la crise survient après deux décennies de mariage. “Les liens s’étaient distendus, j’avais l’impression de vivre un couple théorique. Oui, on vivait ensemble, mais on ne parlait plus de nous. Oui, on se couchait ensemble, mais on n’avait plus d’envie commune. Et ça, pour moi, c’est extrêmement important. Sinon, à quoi bon vivre à deux? Du coup, j’ai fait un écart avec un autre homme. Je crois que j’en avais besoin.”
Sylvie décide de mettre le problème sur la table, avant qu’il ne soit trop tard. Elle annonce son désir de vivre sa relation et de ne pas se complaire dans le souvenir de ce qu’elle était. “On était devenus plan-plan. C’est compliqué, l’amour, il faut savoir avancer au même rythme toute sa vie alors qu’on n’est pas spécialement faits pour ça. Mais le simple fait d’évoquer une rupture a permis de relancer notre couple, assez para-doxalement. On avait besoin d’un coup d’adrénaline, on a voulu se séduire à nouveau. À 56 ans, je vis une nouvelle histoire d’amour avec le même homme.”
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