
Procès des hébergeurs: la prison pour excès de solidarité ?

Ils sont 12 dont deux journalistes, Myriam Berghe et Anouk Van Gestel, à être poursuivis pour les mêmes motifs peu importe le degré d’implication qu'ils sont soupçonnés d'avori. Aux yeux de la Justice, ils font tous partie d’une organisation criminelle responsable d’un trafic d’êtres humains - soit la pire organisation criminelle possible après l’organisation terroriste. Certains crient au procès politique, d’autres soulèvent les enjeux importants qui encadrent ces audiences qui dureront trois jours (mais dont la première a été retardée car un des accusés, toujours en centre fermé, n’a pu se rendre au Palais de Justice) et dont l’issue pourrait conduire les accusés à dix années de prison.
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Mais pour quelles raisons ? La vision diffère d’un camp à un autre. Pour les accusés, il s’agit simplement de bonté citoyenne : accueil de personnes sans-papiers, d’hébergement, de solidarité. Mais la Justice voit les choses sous un autre angle. Les hébergeurs sont accusés d’avoir logé des passeurs et d’aider des migrants à traverser les frontières. Les avocats des accusés, eux, martèlent qu’ils ont juste soutenu des personnes fuyant la guerre. "J’ai peut-être franchi la ligne jaune, mais jamais la rouge", déclarait Myriam Berghe à Moustique en mai dernier. Loger des passeurs ? "Ce sont des jeunes paumés qui essaient de survivre en devenant de petits passeurs, le temps de se payer eux-mêmes un passage. Ils n’ont rien à voir avec des trafiquants d’êtres humains", se défend-elle.
Pour les soutenir, la marque belge Nowa et l’artiste turque Deniz Kazma, ont lancé en septembre l’idée d’un portefeuille "refugees welcome" afin de récolter 2.000 euros pour participer aux frais de justice de Myriam Berghe et Anouk Van Gestel.
Le délit de solidarité n’existe pas
Quoi qu’il en soi, les enjeux de ce procès sont énormes puisqu’il s’agit de trancher entre trafic d’êtres humains et élan de solidarité. Voire de criminaliser l’hébergement orchestré depuis des années par des citoyens faute de solutions gouvernementales.
En Belgique, le délit de solidarité n’existe pas. Pourtant, les États européens se sont mis d’accord pour que certains actes et comportements soient tout de même incriminés. Faut-il encore faire la différence entre aide solidaire de citoyens lambda et passeurs intéressés par l’argent et avides de la misère d’autrui. "Fournir un logement, de la nourriture, des conseils juridiques à un étranger constitue en soi une « aide au séjour », mais n’est pas à réprimer. Alors que la fourniture de faux passeports et identités représente une autre forme d’aide au séjour, qui doit quant à elle être sévèrement sanctionnée", nuance la commission de Belgique francophone Justice et Paix.
Le délit de solidarité est donc davantage un concept. Chez nous, il n’existe pas de cas de condamnation avec peine d’aidants solidaires. Par contre, on compte un certain nombre de dispositifs politiques ou législatifs mis en place pour décourager les citoyens et limiter leurs actions. On pense notamment aux visites domiciliaires qui n’ont cessé de diviser tant l’opinion publique que les politiques pendant toute l’année écoulée.
En France, le Parlement a approuvé le 1er aout un projet de loi asile-immigration décrié par les associations d'aide aux migrants. Il comprend, entre autres, l’assouplissement (et non la suppression) du délit de solidarité. Un dispositif qui reste donc en place et prévoit de sanctionner, dans certains cas, les personnes qui aident les étrangers en situation illégale. Pourtant, quelques mois auparavant, des députés de la majorité se vantaient de la future abolition du délit de solidarité.
La solidarité serait-elle en passe de devenir un délit passible d’emprisonnement ? Réponse vendredi.