
Harcèlement : non, vous ne viendriez pas forcément en aide à la victime

Bruxelles, mercredi 19 décembre, 16h15. Parce que non, il ne fait pas forcément nuit noire quand les adolescentes, les femmes jeunes ou non, sont harcelées dans les transports en commun. Assise comme des dizaines d’autres voyageurs dans l’une des rames du métro de la ligne 6, Isabel Morales Solis écoute sa musique tranquillement. C’était sans compter sur le gros lourd de service qui, ce jour-là, décide de s’improviser harceleur de rue et lui glisse sa main dans l’entrejambe.
La lecture de votre article continue ci-dessous
Premier réflexe de la victime de harcèlement : dégainer son smartphone et tenter de filmer le visage de son agresseur. "Ce monsieur était en train de me toucher. Ce n’est pas normal ! Montre ton visage !". Caché derrière son manteau comme pour signifier un aveu de culpabilité, l’homme tente de disparaître dans un coin du wagon en priant pour que les portes du métro s’ouvrent rapidement. Autour de celle qui filme et hurle en même temps, plusieurs autres passagers plongés dans une léthargie profonde qui semble les empêcher d’intervenir. Seul un homme, il faut le noter, se lève et tente vaguement de s’intercaler.
Sortir son téléphone pour filmer et dénoncer sur les réseaux sociaux ensuite ? Le réflexe est innovant et a déjà été testé le week-end dernier dans le métro parisien. Le 16 décembre, Safiétou avait elle aussi décidé de filmer le visage de celui qui avait pris la décision de se masturber devant elle. Un bon réflexe ? Pourquoi pas. Il semble en tout cas efficace puisque, dans le cas bruxellois, la police a pris contact avec la victime pour lui proposer de porter plainte et la STIB n’a pas hésité à apporter son soutien également.
De la théorie à la pratique
Quant aux réflèxes plus classiques, après consultation d’une poignée de sites internet d’associations qui tentent d’apprendre aux femmes à se défendre, ces conseils restent d'application : ne pas entamer la conversation avec l’harceleur pour ne pas paraître intéressée, oser réagir, parler fort, interpeller les passants pour se faire aider. Ok. Mais encore faut-il parvenir à passer de la théorie à la pratique. Et parvenir à mettre en application les dix séances de krav maga et les bons réflexes entendus des dizaines de fois. Et ne pas être paralysé par la peur d'agir.
Alors que la vague #metoo a secoué le monde pendant près de deux ans, que les langues se délient, que les masques tombent, beaucoup restent persuadés que dans une situation similaire il se lèverait pour intervenir. Au même titre que beaucoup d’entre nous sont désormais persuadées qu’elles ne se laisseraient plus faire. Vraiment ?
Pour ce qui est des témoins d’harcèlement, et pour peu qu’ils aient la volonté d’intervenir pour éviter de se retrouver en situation de non-assistance à personne en danger, les comportements varient. Si la majorité estime qu’elle interviendrait sans aucun doute, la réalité est malheureusement toute autre.
Souvenez-vous, en 2017 la chaîne YouTube "Would you react ?" avait diffusé une vidéo tournée en caméra cachée dans le métro bruxellois pour dénoncer le manque de réactivité des passagers face au harcèlement. Visionnée des milliers de fois, la vidéo était devenue virale et posait un constat simple : si la victime obtient de l’aide - faut-il encore que ça arrive - c’est principalement de la part d’autres femmes.
En moins de 24 heures, la vidéo d’Isabel Morales Solis aura été regardée plus de 100.000 fois et partagée par plus de 2.000 personnes. En survolant les centaines de commentaires laissés sur les réseaux sociaux, ils et elles (n’y voyons aucun procès, parce que des femmes sont également aussi présentes que passives dans ce fameux métro) sont beaucoup à s’insurger et jurer qu’ils n’auraient jamais laissé cette femme se débrouiller seule. D’autres, moins sûrs d’eux, espèrent sincèrement qu’ils agiront le jour où ils seront confrontés à une situation similaire.