On s’est éclaté devant la Champions League et ça faisait longtemps

Des buts, du jeu léché, des retournements de situation, une tension en mondovision, un VAR ultra-présent... Et si la Ligue des Champions redevenait agréable à suivre ?

©Belga

Truc cool: les grands acteurs du foot européen semblent lire Moustique. C’est la seule conclusion logique que l’on peut tirer de la folie qu’a constitué cette première phase à élimination directe de la Ligue des Champions. Il y a un an jour pour jour, à la sortie des huitièmes, nous déplorions l’impérialisme d’une compétition sans saveur réservant son buffet à une certaine élite, chaque année plus riche et chaque année plus restreinte. Une élite qui ne le lui rendait pas, préférant souvent privilégier l’enjeu (financier) au jeu. Le 15 mars 2018, nous sortions de duels dénués de surprise, et pour la plupart, de spectacle. Six des huit qualifiés avaient déjà obtenu un résultat positif au match aller (victoire, ou nul à l’extérieur), donnant à de nombreuses manches retours des allures de rencontres amicales. Liverpool, Man City et le Bayern avaient notamment acté leur qualification en un match, atomisant respectivement Porto, Bale et Besiktas.

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Cette année, c’est tout l’inverse, puisque cinq équipes sont parvenues à retourner des situations parfois désespérées, certaines réalisant de véritables exploits. On pense aux Jong Ajax, terrassant sur son terrain le triple tenant du titre madrilène, ou au Manchester United de Solskjaer humiliant un PSG trop petit pour être aussi arrogant. La Juve a aussi fait honneur à son statut, bombant le torse au meilleur des moments et envoyant Diego Simeone, provocateur coach de l’Atletico, vendre des melons au marché de Madrid.

Chaque match, ou presque, a valu la peine d’être regardé. Outre Real-Ajax (2-1, 1-4), ManU-PSG (0-2, 1-3) et Atletico-Juve (2-0, 0-3), on s’est régalé devant l’intensité du duel entre le Bayern et Liverpool (0-0, 1-3), devant l’indécision d’un AS Rome-Porto (2-1, 3-1) pourtant nettement moins sexy et commenté, et devant l’espoir puis l’explosion d’un Schalke 04 finalement fracassé par Manchester City (2-3, 0-7).

Merci le VAR

Alors, comment la CL a-t-elle pu effectuer un tel grand écart en l’espace d’un an ? La maxime veut que le foot soit tout sauf une science exacte. Mais sans se risquer à dégager une réponse tout faite, on peut citer quelques circonstances favorables. Avec un brin de mauvaise foi, on notera d’abord les absences salvatrices d’Antonio Conte et de José Mourinho, partisans d’un football cynique et démuni de romantisme, aux commandes de Chelsea et United la saison dernière.

L’apparition du VAR lors de ces huitièmes a également changé la donne. Débarqué originellement pour atténuer la célèbre « glorieuse incertitude du sport », l’outil a paradoxalement offert des cadeaux inespérés à l’Ajax, à la Juve et surtout à Manchester United, qui sans lui serait rentré dans le rang plutôt que dans l’Histoire. Après la déroute du Real Madrid, des internautes taquins n’ont d’ailleurs pas manqué de noter que « quand le VAR est en place, le Real sort en huitième ». Vu les litiges arbitraux qui ont accompagné les trois derniers trophées des Merengues, on peut difficilement leur donner tort.

Des nuits spéciales

Enfin, le mot remuntada a définitivement investi le dictionnaire du ballon rond et se traduit aujourd’hui dans toutes les langues. La démonstration du Barça en 2017 face à un PSG décidément rompu à la victimisation (défaite 6-1 après une victoire 4-0) a fait des petits. Ce soir-là, les Catalans ont prouvé que ces fameuses « nuits spéciales » étaient possibles. Ils en ont d’ailleurs été victimes l’an passé, sortis en quart par l’AS Rome après avoir remporté la manche aller 4-1. En découle aujourd’hui une sorte d’aura autour de matchs à la cause perdue, galvanisant les outsiders et pétrifiant les favoris. Là où les coachs auraient autrefois laissé tomber et mis une équipe B, ils jouent aujourd’hui le coup à fond. Là où les supporters délaissaient le stade pour un match sans importance, ils portent maintenant leurs joueurs vers l’exploit. Une aura que l’on espère longue, car le jour où elles deviendront la norme, ces rencontres aux scénarios dingues referont réellement de la Champions League la plus belle des compétitions.

Bon, tout n’est pas pardonné pour autant. On applaudit la présence de l’Ajax et Porto en quart, apportant un peu de diversité à un stade de la compétition régulièrement interdit aux clubs du subtop. Mais si l’Allemagne s’est vautrée, perdant sans gloire le Bayern et le Borussia Dortmund, et que l’Espagne a trébuché, ne plaçant que Barcelone en quart, l’omniprésence des clubs anglais (quatre, soit un qualifié sur deux) appuie encore l’idée d’un foot à deux vitesses. Et la nouvelle génération dorée de l’Ajax se fera probablement piller cet été.

Mais profitons du moment présent, tellement court en foot. L’année passée, on regrettait la prise en otage du jeu par des équipes effrayées à la vue du moindre risque (annonçant d’ailleurs un terne champion du monde). Un an plus tard, on se retrouve à louer le panache retrouvé de clubs censés représenter l’essence du sport le plus populaire du monde. On dit merci Moustique. Franchement, c’était si difficile ?

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