
Les États-Unis sabotent un texte censé protéger les victimes de violences sexuelles

Ils voudraient se constituer une image de pays rétrogrades qu’ils ne s’y prendraient pas autrement. Alors que les Nations Unies s’apprêtaient à voter une résolution présentée par l’Allemagne, qui préside actuellement le Conseil de sécurité de l’ONU, visant à combattre les violences sexuelles comme armes de guerre, les États-Unis, la Chine et la Russie ont torpillé la séance.
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La résolution était étudiée mardi, en présence d’Angelina Jolie, de l’avocate des victimes yézidies Amal Clooney et des prix Nobel de la Paix Denis Mukwege et Nadia Murad. Elle se basait autour de trois axes: la création d’une commission d’enquête chargée de juger des faits de violences sexuelles durant les conflits, la mise en place de sanctions contre les violeurs et les bourreaux et l’accès à des services de santé pour les victimes.
Ce dernier point a particulièrement irrité Donald Trump et ses conseillers. Le texte allemand prévoyait le renforcement des droits sexuels mais également reproductifs, entendez celui pour une femme violée de disposer de son corps. Une ode à l’avortement selon les États-Unis qui ont pris pour habitude ces derniers mois de remballer les propositions de l’ONU laissant présager des "éléments de langages" favorables à l’interruption de grossesse. La Russie était, elle, déjà parvenue à envoyer aux oubliettes l’organisme international faisant office de mécanisme de justice invité à poursuivre les coupables.
Nier l’urgence
À la lecture des témoignages d’Amal Clooney, du docteur Mukwege et de Nadia Murad, mettant notamment en lumière le sort de milliers de femmes en Afrique et sous la coupe de l’État Islamique, il parait évident que la réponse de la communauté internationale à la réalité des victimes de violences sexuelles en zone de guerre se doit d’être urgente.
Le sabotage en règle des Américains, des Chinois et des Russes a donc fortement énervé les diplomates, l’ambassadeur français à l’ONU, François Delattre, en tête. "Nous sommes consternés par le fait qu’un État ait exigé le retrait de la référence à la santé sexuelle et reproductive pourtant agréée dans de précédentes résolutions en 2009 et 2013. Nous déplorons que des menaces de veto aient été agitées par des membres permanents de ce Conseil pour contester 25 ans d’acquis en faveur des droits des femmes dans des situations de conflits armés." Une situation qui prouve que même en haut lieu, le combat pour l’avortement n’est pas encore gagné. "Il est intolérable et incompréhensible que le Conseil de sécurité soit incapable de reconnaître que les femmes et les filles qui ont subi des violences sexuelles en temps de conflit et qui n’ont évidemment pas choisi d’être enceintes, ont le droit d’avoir le choix d’interrompre leur grossesse" , continue-t-il.
Retour en arrière américain
Le texte, en lambeaux, a finalement été voté à treize voix pour contre deux abstentions (russe et chinoise). François Delattre n’est pas le seul diplomate à avoir réagi. Les langues se sont déliées dans les travées du bâtiment onusien de New-York. "Le texte a été réduit à sa portion congrue et il n'y a plus grand-chose. Les Américains ont pris en otage une négociation à partir de leur idéologie, c'est scandaleux". D’autres estiment que les Américains ont "changé de camp" et balayé les progrès réalisés, se ralliant à des pays peu connus pour leurs idées progressistes, tels que la Russie, le Vatican, l’Arabie-Saoudite ou le Bahreïn.
Depuis l’élection de Donald Trump, la question de l’avortement est quotidiennement remise en question aux USA. L’une des premières mesures du Président républicain consistait à couper l’accès aux plannings familiaux et les budgets d’ONG en faveur de l’avortement. Un retour en arrière qui dépasse aujourd’hui les frontières si chères à Donald Trump.