Le racisme dans le blanc des yeux

Victime d’une agression raciste, la photographe et influenceuse belge Gaëlle van Rosen a décidé d’excorciser ses démons en fondant l’association Fifty Shades Of Racism. Objectif : en finir avec l’hypocrisie d’Etat et le racisme ordinaire qui sévit en Belgique.

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En septembre 2018, la présentatrice météo de la RTBF Cécile Djunga balançait un témoignage brut et choc sur les nombreuses remarques et insultes qu’elle recevait au quotidien sur ses origines ou sa couleur de peau. Au travers de sa détresse et de ses larmes, la Belgique découvrait soudainement qu’il n’y a pas que le Vlaams Belang et quelques autres politiciens distordus de la droite qui ont l’apanage des déclarations abjectes. Monsieur et Madame tout le monde, postés devant leur téléviseur, peuvent aussi être racistes. Un adjectif qui sonne comme un gros mot, presque vulgaire, et que l’Homme blanc élevé dans une société occidentale pensait confiné aux dictionnaires de langue française…

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Cécile Djunga n’est pourtant qu’un témoignage isolé qui a bénéficié de plus d’attention médiatique grâce à la notoriété de l’humoriste et présentatrice. Deux mois auparavant, la blogueuse et influenseuse Gaëlle van Rosen (photo), suivie aujourd’hui par plus de 25.000 internautes sur Instagram, était elle aussi insultée et violentée dans un club de Knokke (le Calypso). "Retourne en Afrique", s’entend-elle dire, avant d’être ramenée manu militari à la porte de l’établissement où elle est pourtant invitée.

En état de choc, cette jeune maman de deux enfants décide elle aussi de raconter sa mésaventure sur les réseaux sociaux, notamment dans une vidéo vue plus de 34.000 fois sur YouTube où elle incrimine directement les patrons de ce haut lieu de la jet-set belge. Elle cherche à obtenir justice – une partie de la scène a pu être filmée via son smartphone – en vain. La loi belge ne condamne pas la tenue de propos raciste, sauf en cas d’incitation à la haine ou de harcèlement… 

Nuances de racisme

Gaëlle van Rosen décide alors de se mobiliser pour faire bouger les choses et crée Fifty Shades Of Racism, un mouvement qui vise à libérer la parole des personnes victimes de racisme, à conscientiser la population quant à l’impact de toutes les nuances de celui-ci et à unir toutes les voix positives de notre société afin de la faire évoluer dans le bon sens. En ce week-end d’élections et face à la montée des extrêmes, partout en Europe et aussi chez nous, une grande exposition urbaine était organisée ce week-end au Mont-des-Arts à Bruxelles, en collaboration avec Inside Out Project (concept du célèbre artiste engagé JR). 500 portraits photo géants réalisés par la blogueuse ont été collé sur l’esplanade et les marches de l’un des plus beaux points de vue de la capitale, sur une surface de 750m2.

Ces visages sont ceux d’hommes et de femmes qui ont été victimes de racisme en Belgique. Si on connait déjà l’histoire de Cécile Djunga – qui figure parmi les portraits – 50 personnes ont aussi accepté de livrer leur témoignage dans des vidéos qui seront uploadé sur le compte Instagram de Fifty Shades Of Racism. Comme pour le mouvement Youth For Climate, Gaëlle Van Rosen croit en la puissance du digital pour faire bouger les choses : "Les réseaux sociaux peuvent être dangereux. Quand on voit le budget dégagé par certaines formations politiques en Belgique, dont certaines sont des partis d’extrême-droite à peine déguisés, pour réaliser leur campagne sur les réseaux sociaux, c’est effrayant. Mais quand je vois le monde qui s’est réuni aujourd’hui – le vernissage de l’exposition qui avait lieu vendredi soir était un franc succès, NDLR – grâce à un seul post Instagram, c’est la preuve qu’on peut aussi avoir une action très positive avec le digital. C’est l’arme qu’ont les jeunes.

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

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"Ne pas punir, c’est hypocrite"

L’objectif de Fifty Shades Of Racism est de modifier la loi pour aboutir à des condamnations en cas d’injures/actes racistes. On a bien vu avec le mouvement des jeunes pour le climat combien il était dur d’aboutir à des actions concrètes et de bouger les lignes de la constitution (notamment avec la loi climat).

Gaëlle van Rosen en appelle donc au bon sens et la volonté citoyenne. "Nous faisons face à une hypocrisie d’Etat. C’est extrêmement hypocrite de dire qu’on est contre le racisme et ne pas le punir. Lorsqu’on fait une infraction au code de la route, on reçoit directement une amende. Pourquoi on ne punirait pas des actes racistes et de haine qui créent un tel malaise dans notre société et qui empêchent des jeunes qui ont du potentiel de se sentir épanoui et dedonner le meilleur d’eux-mêmes. Si autant de personnes se déclarent contre le racisme en Belgique, il est temps d’aboutir à des sanctions concrètes. J’encourage donc tout ceux qui partagent ce constat à rejoindre Fifty Shades Of Racism, que l’on porte nos voix ensemble.

Malheureusement, les portraits du Mont-des-Arts ont déjà dû être décollé à cause de la mauvaise météo de ce samedi. Mais un échantillon reste visible sur le compte Instagram du mouvement qui devrait prochainement se structurer en asbl et multiplier les actions. On applaudit !

Gilles GeeKk

Crédits photos: Gilles GeeKk

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