Vlaams Belang vs N-VA: le combat des lions de Flandre

Depuis quelques temps, la N-VA avance avec le souffle du Vlaams Belang dans la nuque. Pour comprendre la crise, il y a un terrain que les francophones ont perdu de vue, celui de l’extrême droite flamande. On vous y emmène.

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Depuis hier soir, Tom Van Grieken jubile. Son parti gagne quinze sièges au fédéral et 17 sièges au Parlement flamand. Lors des communales, le Vlaams Belang était déjà “le grand vainqueur” et “de retour”. "Vlaams Belang is back", avait déclaré son président au soir des communales en octobre dernier. Dans le même temps, Bart De Wever, le président de la N-VA, commentait avec nettement plus de réserve les résultats de son parti et parlait étonnamment de “réconciliation”. C’est le moment où le fédéral a basculé.

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Le pari personnel de Bart De Wever était de débarrasser du plancher flamand le Vlaams Belang, parti ouvertement raciste. Ce pari bat aujourd’hui de l’aile. La N-VA aurait-elle oublié que l’électeur préfère toujours l’original à la copie? La remontée du Vlaams Belang aux communales, et aujourd’hui aux régionales et fédérales, s’est chargée de le lui rappeler.

Les communales : le début de la fin

Globalement, en Flandre, jamais des élections communales n’avaient été aussi nationales. Dans les rangs politiques, on était surpris, ou en tout cas navré, que les communales ne restent pas sur le terrain “villageois”. Ce n’était pourtant pas si étonnant après quatre années de gouvernement sans chercher l’approbation de l’électeur. Les résultats n’ont été bons pour personne. La coalition suédoise de Charles Michel n’a pas convaincu. “À la suite de quoi, la N-VA s’est un peu radicalisée. Et cette radicalisation n’entrait plus dans l’accord de gouvernement”, glisse un observateur flamand. Bardaf, ce fut l’embardée sur le Pacte mondial pour la migration. Il y a une logique à cela. Et le Vlaams Belang en est le fil conducteur.

Vu de Flandre, le bilan socio-économique engrangé par le gouvernement Michel n’est guère olympique. Tant à la N-VA qu’à l’Open VLD, on l’admet hors micro. Ce n’était pas suffisant pour convaincre les électeurs flamands. Le communautaire étant hors course électorale, la N-VA a mesuré qu’il ne lui restait qu’un terrain à labourer pour se hisser à nouveau à son firmament des 30 %, la position dominante dont elle avait besoin pour mener la danse: celui de l’identité flamande à préserver.

La N-VA, parti “pas flou”

Au sein de la population flamande, un sillon s’est creusé et est devenu un fossé qui la sépare des francophones. Il concerne l’accueil de l’étranger. La Flandre en a marre de la migration et de son coût fantasmé pour la sécurité sociale. Elle est viscéralement convaincue de ce point de vue, aiguisé tant et plus par l’extrême droite. Quand Bart De Wever a parlé de coalition et de parti Marrakech, il l’a donc fait à des fins électorales, en appuyant à dessein le caractère raciste de l’incartade. Quand Peter De Roover, leader nationaliste à la Chambre, a clamé que Charles Michel, en allant au Maroc, se plaçait du mauvais côté de l’histoire, il savait ce qu’il faisait. Il n’a fait que dire ce que beaucoup de Flamands pensent.

Ce qui déconcerte le plus les autres partis flamands et sans doute aussi l’ancien partenaire de gouvernement qu’est le MR, c’est que la N-VA change tout le temps. C’est une machine de guerre qui s’adapte en permanence. L’arrivée d’Assita Kanko à la N-VA en janvier l'avait prouvé. La jeune femme, issue de la migration, quitte le MR pour être candidate N-VA. “Ce qui me plaît à la N-VA, c’est que ce n’est pas un parti flou. Elle a des positions claires et elle ose les affirmer”, argumente-t-elle. Voilà de quoi brouiller les cartes de ceux qui voudraient taxer la N-VA de parti raciste. Dans le même temps, Theo Francken a soutenu la marche de l’extrême droite flamande contre le Pacte de Marrakech. Tout et son contraire. Ce n’est pas la première fois. C’est comme cela que la N-VA s’en est toujours si bien sortie. Le CD&V en sait quelque chose.

Entre le CD&V et la N-VA, rien ne va plus et depuis longtemps. Faut-il rappeler qu’il y a quinze ans à peine, en 2003, la N-VA avait un malheureux siège à la Chambre quand le puissant CD&V en possédait 21? Lorsque les deux partis ont fusionné en cartel en 2004, le CD&V n’a pas mesuré les potentialités électorales de son petit frère. Pire: l’ancien CVP a donné dans l’arrogance et le mépris. La N-VA servait alors surtout de renfort caisse au moment où le parti social-chrétien flamand perdait du terrain.

Le sens de la destinée

La suite est connue. Bart De Wever a maigri physiquement aussi vite que son parti a grossi électoralement. Le CD&V n’avait tout simplement pas pris la mesure du charisme et de l’intelligence politique de De Wever. Aujourd’hui, le tout-puissant CVP de l’après-guerre ne pèse plus que 15 %. Il lui reste surtout son électorat de conviction, issu du pilier chrétien. Mais le vote populaire, lui, est passé à la N-VA. Bart De Wever pourrait savourer sa revanche, mais aucune tranquillité ne lui est accordée.

L’homme est historien et a le sens de la destinée. Celle-ci passe par la cause flamande. Sauf qu’il n’est pas seul dans sa quête. Tom Van Grieken, 32 ans, est devenu le président du Vlaams Belang voici quatre ans. Ce spécialiste de la communication et du marketing a grandi du côté d’Anvers. On le décrit comme plus modéré que le leader aux sorties intempestives au Parlement fédéral et aux excursions fascistes répétées, Filip Dewinter. Il serait par rapport à Dewinter un peu ce que Marine Le Pen est à son père: un successeur aux apparences plus lisses et moins racistes. Il a le regard bleu azur, la coupe de cheveux impeccable, le blazer bien propre: il est plutôt beau gosse. Et surtout, il n’a pas peur de Bart De Wever. Ce n’est pas pour rien que l’homme le plus populaire de Flandre, Theo Francken (N-VA), en débat avec Van Grieken, a susurré récemment qu’il s’inspirait parfois des idées du Vlaams Belang. Quand deux lions s’affrontent, le plus fort commence par poser sa patte sur l’autre. On peut croire que c’est de l’amitié. Mais c’est un jeu de domination.

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