
Pour une femme, il est quasi impossible de vieillir à la télévision

Etre femme et prendre de l'âge, c'est éloigner ses chances d'apparaître à l'écran. Cette discrimination persiste de manière tenace. Aux USA, cinq présentatrices de télévision viennent de décider d'attaquer en justice leur chaîne, New York 1. Toutes affirment avoir été écartées au profit de journalistes plus jeunes ou masculins. Les 5 journalistes ont aussi lancé une campagne sur les réseaux sociaux, sous le mot d’ordre #BroadcastWomen, afin de se battre pour toutes les femmes qui ont atteint un certain âge et qu’on a intentionnellement marginalisées. Cette campagne vient s’ajouter à une initiative lancée en 2016 par l’association nationale des annonceurs, intitulée #SeeHer, dans le but d’arriver à une représentation des femmes dans les médias et la publicité plus fidèle à la réalité.
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Beaucoup plus de 19-34 ans à l'écran
Chez nous, cette discrimination est bien présente aussi. La tendance au jeunisme est généralisée et touche aussi les hommes. Le baromètre Egalité-Diversité du conseil supérieur de l'audiovisuel en témoigne. Ainsi, la catégorie des 19-34 ans est surreprésentée parmi les intervenants et intervenantes à l'écran. Elle rassemble 32,67% des individus encodés dans l’ensemble des programmes. En outre, elle est 1,6 fois plus présente à l’écran que dans la population belge (20,00% au 1er janvier 2017).
« La tendance au « jeunisme » dans les représentations télévisuelles est une constante au fil des Baromètres », souligne Joelle Desterbecq, directrice du CSA. Il y a cependant une amélioration concernant ce jeunisme. Les 19-34 ans représentaient en effet 43,73% des intervenant.e.s en 2013. La diminution concerne les programmes pris dans leur ensemble et, plus spécifiquement, les programmes d’information.
Cachez-moi ces rides et cheveux gris
En revanche, les personnes âgées de 65 ans et plus restent écartées des écrans. Elles sont près de quatre fois moins présentes dans l’échantillon de programmes que dans la société. Elles constituent en effet 4,68% des intervenant.e.s dont on a pu identifier l’âge, alors qu'elles constituent 18,50% de la société belge (au 1er janvier 2017). « La sous-représentation des personnes de 65 ans et plus est une constante des différents Baromètres. » Pour les femmes, c'est la double peine. « Si l’on croise l’âge avec le genre des individus, on observe que la surreprésentation des 19-34 ans est encore plus marquée pour les femmes », analyse Joëlle Desterbecq. Cette tendance s’est toutefois atténuée dans le Baromètre 2017.
L'invisibilisation des femmes âgées
"Ainsi que nous l’avions déjà observé dans le Baromètre 2013, le genre et l’âge se renforcent dans le processus d’invisibilisation de certaines catégories de personnes à la télévision", analyse encore la directrice de la CSA. Pour mesurer ce processus d'invisibilisation, la CSA prend en compte comment est présenté l'intervenant ou l'intervenante. Le média peut utiliser plusieurs types de mentions : une mention écrite, une mention orale, une mention écrite et orale avec le nom, le prénom, la profession.
Il se peut aussi qu’aucune mention ne vienne cadrer l’intervention, l’acteur ou l'actrice qui devient alors anonyme. « Il ou elle n’est pas reconnu.e dans l’espace médiatique pour son identité propre. Et on constate que la proportion de femmes qui ne font pas l’objet de mention est supérieure à celle des hommes dans toutes les classes d’âge. Ensuite, on observe que l’écart entre les hommes et les femmes s’accroît au fur et à mesure que l’âge augmente. »
Seules les très jeunes catégories d’âge (enfants) sont autant exposées à cette absence de mentions identitaires. Mais même chez les 65 ans et plus, l’absence de mentions se répartit également différemment entre les hommes et les femmes : 31,94% des hommes ne font pas l’objet de mention identificatoire pour 43,68% des femmes. Le genre et l’âge se renforcent donc dans le processus d’invisibilisation de certaines catégories de personnes à la télévision.