
Sea-Watch: la solidarité à la rescousse de Carola Rackete

Arrêtée et enfermée après avoir bravé l'interdiction d'accoster à Lampedusa pour sauver une quarantaine de migrants, la capitaine du navire humanitaire Sea-Watch 3 Carola Rackete est devenue le symbole du débat sur la question migratoire. Huée par les uns – à commencer par les habitants de la petite île qui l'ont copieusement insultée lors de son arrestation (la "palme" revenant au "Tout ce que tu mérites c'est de te faire violer par les migrants que tu as ramené") - et acclamée par les autres, la jeune femme (31 ans) se présente comme l'antithèse du très populaire Matteo Salvini, ministre de l'Intérieur italien populiste, sexiste et xénophobe, qu'elle n'a pas hésité à défier et qui souhaite la voir croupir en prison (elle risque jusqu'à 10 ans d'enfermement selon les médias italiens).
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Mais de nombreux citoyens européens ne l'entendent pas de cette oreille. Partout à travers le continent, un élan de solidarité rarement observé se répand en soutien à la capitaine allemande, sous la forme de pétitions pour sa libération et de collectes de fonds (près d'1,15 millions d'euros ont déjà été récolté ce lundi matin). Cette mobilisation citoyenne est quelque peu paradoxale, quand on sait que l’immigration est la thématique sur laquelle l'Union européenne est précisément la plus désunie. Une nouvelle preuve du fossé qui sépare les instances politiques de ceux et celles qu'elles gouvernent? À l'heure où les dirigeants européens sont plongés dans de difficiles tractations pour déterminer qui obtiendra les poste-clés du pouvoir (Commission, Conseil, Parlement), certains internautes proposent tout simplement de nommer celle "qui a sauvé l'honneur du continent" à la succession de Jean-Claude Juncker en tant que présidente de la Commission.
#CarolaRackete arrêtée parce qu’elle a sauvé 42 vies, et accessoirement, sauvé ou tenté de sauver l'honneur de l'Europe pic.twitter.com/DIq6Q7cH1g
— Rusen Aytac (@Rusen_Aytac) 30 juin 2019
"Faire peur aux sauveteurs"
Une pétition en ligne sur Mediapart rappelle également qu'une autre capitaine allemande est jugée en Italie pour avoir sauvé plus d’un millier de vies en Méditerranée. Accusée d’aide à l’immigration clandestine et de complicité avec les "passeurs ", Pia Klemp risque vingt ans de prison et une amende de 15.000 euros pour chaque vie qu’elle aura sauvée, "ce qui provoque l’indignation de beaucoup en Europe et dans le monde mais ne semble pas émouvoir nos gouvernements. On veut faire peur aux sauveteurs, mais Carola et Pia ne seront pas les dernières à prendre de tels risques alors que l’hécatombe des noyades se poursuit en Méditerranée avec la complicité des États qui devraient l’empêcher", est-il écrit sur la pétition.
De son côté, l'ONG Sea Watch met en garde sur son compte Twitter contre de fausses informations circulant dans certains médias et les accusations trompeuses lancées contre Carola Rackete qui aurait délibérément "attaqué" une vedette de la marine italienne avec son navire... Comme souvent lorsque le débat s'articule autour d'un sujet lié à l'immigration, les vérités et contre-vérités (ou les plus politiquement corrects "faits alternatifs" chers à Donald Trump et à son administration) se livrent une lutte acharnée sur le web et les réseaux sociaux. Et pendant ce temps-là, des hommes, des femmes et des enfants continuent de mourir en essayant simplement de survivre en échappant à des guerres ou des régimes totalitaires... La semaine passée, la terrible photo d'un père et de sa fille morts noyés dans le Rio Grande l'a encore cruellement rappelé.
Beaucoup d'accusations trompeuses sont lancées contre #CarolaRackete, pour un léger contact avec un bateau des @GDF, qui s'est produit quand elle a mené le #SeaWatch3 au port.
Nous soutenons notre capitaine. Voici notre version de l'histoire.#FreeCarola pic.twitter.com/ekp6Ca6nb6
— Sea-Watch International (@seawatch_intl) 30 juin 2019