
La télé illégale IPTV va-t-elle tuer vos programmes préférés?

Comme 8% des ménages wallons et 1% des Bruxellois (selon les estimations de la RTBF) vous avez peut-être été séduit par l'IPTV. Jusqu'à 9.000 chaînes de télé, dont les postes belges et sportifs moyennant un abonnement d'environ 90 euros par an et l’achat d'un boîtier vendu jusqu'à 100 euros pièce sur internet. En comparant avec les offres proposées par les distributeurs classiques en Belgique (Proximus, Voo, Telenet, Orange), le calcul est vite fait... Mais savez-vous qu'en franchissant le pas, vous entrez dans l'illégalité ? En effet, l'IPTV n'est pas sans risque pour ses utilisateurs, car ce système ne rémunère pas les chaînes pour les droits d'auteur des contenus diffusés (films, séries, musiques, retransmissions sportives). "En ce sens, ce service est illégal", nous déclarait il y quelques jours Fernand De Visscher, avocat spécialisé dans le droit des technologies de l'information et de la communication, et ses abonnés s'exposent à des amendes, voire des peines de prison.
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Dans la pratique, des condamnations de ce type ont peu de chances de se produire. Paul Van den Bulck, un autre avocat spécialisé dans les technologies de l'information et de la protection des données expliquait au journal Le Soir que "pour les consommateurs, les risques sont faibles par rapport à ce qu'on gagne de cette consommation illégale. Imaginez le travail pour un titulaire de droits d'identifier tous les particuliers responsables de contrefaçon et les assigner pour des montants qui valent la peine. Et il y a encore une différence entre des particuliers et des commerçants ou des cafetiers qui eux offrent une diffusion publique. Les ayants droit vont plutôt chercher les responsables du réseau illégal que les particuliers."
La qualité, ça se paie
Mais ces particuliers participent à l'expansion d'un marché qui nuit au secteur audiovisuel dans son ensemble et qui pourrait, à terme, menacer l'existence des programmes-mêmes que ses utilisateurs apprécient regarder. "L'équilibre du secteur audiovisuel repose sur une chaîne de valeurs", explique Haroun Fenaux, porte-parole Proximus. "La chaîne de télévision rémunère les ayants droit des séries ou films, par exemple, via l'argent qui leur est versé par des opérateurs comme nous. Les clients payent Proximus, Proximus paye les chaînes, les chaînes payent les ayants droit. Si les consommateurs contournent cette chaîne avec l'IPTV, les personnes qui sont en bout de ligne ne sont pas rémunérées. L'argent part directement dans les poches de ceux qui ont mis en place ce nouveau système. Ces gens-là sont des voleurs."
Produire et réaliser des contenus de qualité nécessitent des moyens. Les consommateurs n'en ont pas forcément toujours conscience, mais ils participent indirectement au financement des programmes qu'ils regardent. "Les amoureux de l'art, des émissions télé, etc. doivent savoir que si l'on veut des contenus de qualité, on doit rétribuer les ayants droit. Si on continue de faire la publicité via le bouche-à-oreille ou autre pour ce vol caractérisé, les ayants droit ne seront plus rémunérés et les contenus seront de moins en moins qualitatifs", poursuit le porte-parole qui précise, non sans un certain soulagement, que l'IPTV ne nuit pas (encore) aux activités de la firme. "Nous n'avons pas constaté de baisse substantielle de nos abonnés. Les personnes qui prennent l'IPTV le font en plus de leur abonnement Proximus. Notre rôle à nous est donc de s'efforcer à proposer un package intéressant à un coût acceptable pour empêcher le développement d'autres offres alternatives mais illégales."
Immobilisme des instances belges
Le développement de la télévision pirate est loin d'être une tendance. Le dernier rapport de l'Observatoire européen de l'audiovisuel stipule qu'entre 2008 et 2017, la croissance de la télévision payante a été menée par l'IPTV à 61%. L'attitude par rapport au phénomène est différente en fonction des pays membres de l'UE. En Espagne, par exemple, il y a eu une grosse prise de conscience des autorités qui ont opéré des coupes importantes dans les canaux de diffusion. Mais en Belgique, nada. Une absence de réaction interpellante... Le Soir rapporte qu'en 2017, le service public avait déposé plainte au CSA contre deux réseaux qui proposaient dans son offre les chaînes de la RTBF. Les adresses IP de ces réseaux étaient basées en Algérie et en Lituanie, et les autorités de régulation des deux pays ont été contactées. La première n'a pas donné suite. L'autre n'a pas pu identifier la société derrière l'adresse IP. La plainte n'a jamais abouti...
Pendant ce temps, l'IPTV a littéralement pignon sur rue avec des revendeurs qui proposent des décodeurs à prix dérisoire exposé dans leur vitrine. Les opérateurs belges et les éditeurs de contenus n'ont d'autre choix que de s'en remettre donc au bon sens des consommateurs. "La qualité vidéo proposée par l'IPTV n'est pas optimale. Si l'on met deux écrans côte à côte et que l'on compare les images avec celles qu'un opérateur classique peut offrir, il n'y a pas photo", affirme Marie-Pierre Dinsart, directrice de la communication chez VOO/Be tv. "Si les particuliers veulent profiter pleinement de leur super installation télé, ils ont donc plutôt intérêt à opter pour un opérateur comme le nôtre. Sans compter que leur connexion IPTV peut être coupée à tout moment et ils auront donc investi pour rien. Il n'y a aucun recours possible, puisque c'est illégal."