
Quand les neurosciences viennent à la rescousse de l’éducation

Natacha Duroisin , vous êtes docteur en sciences et psychologie de l’éducation de l’UMons. Qu’est-ce que c’est les neurosciences de l’éducation ?
Il s’agit du rapprochement entre deux disciplines que l’on nomme aussi neurosciences éducatives ou neuro-éducation. Les mécanismes du cerveau sont étudiés dans l’objectif de mieux comprendre comment l’élève apprend et d’apporter des solutions. Cela fait près de vingt ans qu’on développe cette approche mais cela a décollé voici cinq ou six ans. L’Europe est un peu à la traîne par rapport au Canada ou aux États-Unis, notamment parce qu’on aime cloisonner les disciplines là où les États-Unis favorisent l’interdisciplinaire.
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Qu’est-ce que les neurosciences peuvent apporter ?
On comprend mieux la maturation du cerveau. On a découvert comment s’activait le cerveau. Les recherches ont permis de savoir par exemple que si un individu dort et mange bien cela a un impact objectif sur le cerveau. Ce sont des apports formidables mais encore faut-il savoir comment les appliquer concrètement en classe.
On mesure l’activité cérébrale et on interprète les signaux.
Comment travaillez-vous ?
On travaille sur des échantillons restreints d’élèves. On évalue au plus près leur profil. On mesure leurs facultés, leurs conditions de travail. Et on leur fait passer un IRM. L’élève est testé sur un problème de maths ou la lecture d’un paragraphe et il a juste un boîtier pour signaler ses réponses au chercheur qui l’accompagne. Cela n’a rien à voir avec les conditions de classe réelle. On mesure l’activité cérébrale et on interprète les signaux. Ensuite, en faisant la moyenne des différents tests, on peut délivrer une image. De là à dire qu’on va s’emparer des résultats des neurosciences pour les appliquer en classe, il y a un très grand chemin. Mais il est intéressant de savoir comment fonctionne le cerveau afin de valider les réponses apportées par la psychologie cognitive.
Qu’apporte la psychologie cognitive, de son côté ?
Elle permet de comprendre comment raisonne un enfant dans un contexte donné, comment il résout un problème spécifique, comment il reste attentif ou non… La psychologie cognitive ou neuropsychologie va décortiquer les problèmes de mémoire ou de raisonnement. Les neurosciences servent souvent à confirmer ce que la psychologie cognitive a pu mettre en évidence.
Il est important de répéter la même information mais pas dans la même journée
Qu’est-ce qu’on a ainsi appris ?
On sait aujourd’hui que la répétition consolide l’apprentissage. Les tables de multiplication, une fois qu’elles sont connues par cœur, permettent de résoudre des tâches plus complexes parce qu’elles sont devenues des automatismes qui ne demandent plus trop d’efforts cognitifs. Il existe dans le cerveau un système automatique et un autre plus contrôlé qui demande plus d’efforts. Ces deux systèmes vont être constamment sollicités. Un autre exemple concerne l’importance de l’autoévaluation. Lire et relire est peu efficace. Par contre, si je lis et que je me pose des questions sur ce que je viens de lire, cela permet de retenir de manière solide. L’auto-questionnement est une bonne stratégie sur le moyen et long terme. On sait aussi qu’il est important de répéter la même information mais pas dans la même journée. Il faut y revenir entre 2 à 6 jours après. Faire des liens est aussi très important.
La théorie des intelligences multiples est fausse, c'est un mythe.
Et qu’est-ce que les neurosciences ont invalidé, au contraire ?
La théorie des intelligences multiples, par exemple. C’est un mythe élaboré dans les années 80 par Howard Gardner. Il a émis l’hypothèse qu’il existe huit formes d’intelligences différentes. Cette théorie très séduisante n’a jamais été validée par la science. Pourtant une majorité d’enseignants y croit toujours. C’est pareil avec les styles d’apprentissages, visuel, auditif, expérimental… On ne doit pas enfermer un élève dans un style d’apprentissage. Toutes les stratégies sont valables pour tous les élèves. Il n’y a pas une seule bonne manière de fonctionner. Par contre, la répétition par l’auto-questionnement fonctionne.
Les enseignants attendent des recettes miracle. La vérité, c’est qu’il n’y en a pas
Il y a de quoi être déboussolé. À quelle méthode se vouer ?
Il n’y a en réalité pas un bon enseignement. La pédagogie Montessori fonctionne en permettant d’apprendre à son rythme mais dans l’enseignement traditionnel, il y a de très bonnes choses aussi. Les enseignants attendent des recettes miracle. La vérité, c’est qu’il n’y en a pas. Par contre, la science apporte des balises. L’évaluation ne doit pas servir à donner une note mais à consolider les savoirs parce qu’il y a répétition. Je travaille avec les enseignants à partir de leurs problèmes concrets. Ce partenariat est très important. Il faut sortir de l’artisanal et installer une relation gagnant-gagnant entre les neurosciences et l’enseignement.
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