
Les voitures de société, cette exception si belge

“Si on donne des voitures de société, qu’on ne s’étonne pas que les gens les utilisent”, pointe Jean-Marie Halleux, professeur à l'ULiège. Le nombre de voitures de société a plus que doublé entre 2007 et 2016 alors que l’évolution des voitures particulières est d’un peu plus de 10%. Selon les derniers chiffres de la Febiac (Fédération belge de l'industrie automobile), le cap du million de voitures de société est en vue. Il y en avait 800.000 en 2014, +20% en 5 ans donc...
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La hausse de la taxe sur les voitures de société en 2012 n’a rien changé. Les difficultés de circulation liées aux nombreux bouchons encore moins. L'urgence climatique, non plus. Le marché de la voiture de société en Belgique reste florissant. En Belgique, l’empreinte totale des voitures vendues dans notre pays en 2018 correspond à 24% de toutes nos émissions annuelles, selon Greenpeace. Le lobby environnemental estime aussi qu'afin de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C, la vente de véhicules alimentées aux énergies fossiles doit cesser au plus tard en 2028.
Des alternatives balbutiantes
Le projet "Cash for car" ne fonctionne pas. Après un an et demi, à peine 0,14% des voitures de société ont été échangées contre une somme d'argent, selon une enquête menée par le groupe de services de ressources humaines, ACERTA. Seuls... 540 travailleurs ont été séduit jusqu'à présent. Par ailleurs, depuis le 1er mars 2019, l’État a lancé un “ budget mobilité ” qui permet d’échanger sa voiture-salaire contre une voiture moins polluante ou d’opter pour un vélo, un abonnement SNCB ou même le paiement du loyer si le logement se trouve à moins de 5km du lieu de travail. Le budget mobilité décolle par contre, petit à petit. Plus de travailleurs s'y intéressent qu'à "Cash for car", toujours selon ACERTA. Ce "budget moblité" ne s'adresse pas seulement aux travailleurs qui ont une voiture de société. Les services des ressources humaines reçoivent plus d'intérêt pour ce système mais étudient encore de près cette possibilité pour mieux la cerner.
En attendant, les voitures de société sont mises sous pression. Mais à Bruxelles, elles représentent 40 % de la circulation de la capitale aux heures de pointe. Selon le bureau fédéral du plan, une voiture de société roule en moyenne 6000 kilomètres de plus par an que son équivalent privé. Les “voitures salaires” sont une réalité spécifiquement belge que les initiatives du gouvernement, freinent à peine.
Le symptôme d'une maladie
Détricoter, voire démonter de haut en bas le système reste globalement compliqué, tant il semble ancré dans les mœurs de notre pays. Pour l’employeur, la voiture de société est une alternative pour contourner la taxation élevée d’une augmentation de salaire. Acheter une voiture à son salarié revient en effet moins cher qu’augmenter son salaire. Pour le salarié, la voiture de société est en fait une partie de son salaire. Mais, elle représente plusieurs centaines d’euros d’économie par mois comparée à une voiture privée, ce d’autant plus qu’à la voiture s’ajoute parfois une carte d’essence. L’employé est également dispensé des taxes et frais d’assurances qui sont pris en charge par l’employeur. De plus, c’est au salarié qu’il revient de choisir la voiture qui lui plaît, un avantage inexistant dans la plupart des autres pays d’Europe.
Alors ? “ La voiture de société, c’est comme la fièvre quand on a la grippe. C’est un symptôme d’une maladie de notre société, image Mario Cools, expert en transport et mobilité de l'ULiège. On doit soigner la grippe, pas seulement faire tomber la fièvre. On doit réfléchir à une fiscalité des revenus plus intelligente. On ne donne toujours pas un vrai choix qui serait d’offrir autant d’argent que l’équivalent réel d’une voiture de société.” Dans La Libre de ce mercredi, Jean-Luc Van Nieuwenhuyse (Securex) rajoute : "La voiture de société est ancrée dans la culture belge en tant que symbole de statut... Pour se débarasser de la voiture de société, un changement de mentalité sera nécessaire." Pas gagné.