
Gratuité des transports en commun: où en est-on vraiment?

Un timing plus clair en octobre
La gratuité sur le réseau de la Stib pour les moins de 25 ans et les plus de 65 ans pourrait être effective à partir de juillet 2020. C'est en tout cas ce qu'explique une note de la Stib déposée sur la table du gouvernement bruxellois. La société de transports en commun explique de ne pas pouvoir en tout cas être prête techniquement plus tôt. Mais si le nouvel exécutif régional s'est engagé à mettre en œuvre cette gratuité partielle d'ici la fin de la législature, il n'a pas encore officiellement décider de la date d'entrée en vigueur. "Pour l'instant, on est tout au début de la législature et on est en train de discuter des budgets. Forcément, cette gratuité, elle a un impact budgétaire. La question, c'est à partir de quand on introduit cette mesure", explique la porte-parole de la ministre bruxelloise de la Mobilité Elke Van den Brandt (Groen), Marie Thibaut de Maisières. "Les ministres sont en train de discuter cette semaine et la semaine prochaine. L'objectif est d'avoir un budget mi-octobre. Ils décideront donc si on fait cette gratuité partielle l'année prochaine, ou les années suivantes ".
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Wallonie : une mise en place progressive
La gratuité pour les moins de 25 ans et les plus de 65 ans ne vient en tout cas pas de nulle part. Il s'agissait d'une promesse de campagne de différents partis. Du côté wallon, la mesure est également inscrite dans la déclaration de politique générale de l'équipe Di Rupo 3. Avec d'ores et déjà une précision: elle ne sera pleinement effective qu'en fin de législature. "En vitesse de croisière, elle coûtera 29 millions d'euros par an. Une somme à comparer au budget total de plus de 500 millions du Tec. Elle sera progressivement mis en œuvre, par exemple entrant uniquement en vigueur au début pour certaines catégories d'âge. Les modalités doivent encore faire l'objet de discussions", explique le nouveau ministre wallon de la Mobilité Philippe Henry (Ecolo). L'équipe PS-Ecolo-MR prévoit par ailleurs de consacrer 320 millions € à l'augmentation et l’amélioration de l'offre de bus au sud du pays."Ça peut être pour des lignes,
des renforcements de ligne, ou du nouveau matériel, par exemple des plus grands bus.Il y aura des nouvelles lignes donc, mais pas que ça. Ça peut aussi être des aménagements de sites propres qui font que la vitesse commerciale augmente par exemple", indique Philippe Henry.
La question du financement
Reste évidemment la question budgétaire. Combien cela va coûter ? La Wallonie prévoit un budget annuel de 29 millions d'euros. La somme doit compenser la perte des recettes rapportées jusqu'alors par ces deux catégories d'âge. L'an passé, les ventes d'abonnements 12-24 ans avaient ainsi apporté 26,2 millions d'euros, celles des abonnements 65+ (hors BIM) deux millions d'euros. Le montant semble toutefois un peu faible pour financer l'ensemble de la mesure. "Il y aura probablement une hausse de la fréquentation. Un nouveau public devrait laisser ainsi sa voiture ou son vélo pour prendre le Tec. Cela signifie plus de matériel roulant, plus de carburant et des places en plus pour stationner les bus. Et donc des coûts", explique le porte-parole du Tec Stéphane Thiery. "Il y a aussi des jeunes ou des personnes de plus 65 ans qui utilisent aujourd'hui des tickets de 10 places. Cela fera aussi des recettes en moins qu'on ne peut chiffrer à l'heure actuelle". Du côté de Bruxelles, le chiffre de 12 millions d'euros a été évoqué cette semaine dans la presse. "C'est un chiffre que le PS a communiqué, mais je pense qu'il est sous-estimé", commente Marie Thibaut de Maisières. La Stib réclame en tout cas que une compensation pour le manque à gagner.
Est-ce que ça fonctionne ?
La majorité des économistes, mais aussi les entreprises de transports en commun sont d’accord: seule une amélioration de l’offre incitera les voyageurs à abandonner leur voiture. "Il y a quelques années, un projet de gratuité a été instauré en Flandre. Les automobilistes n’ont pas été séduits et ce sont les piétons et les cyclistes qui en ont profité. Le projet a été abandonné", expliquait récemment Tom Truyts, professeur d’économie à l’Université Saint-Louis. En outre, les usagers ne financent déjà qu'une petite partie de leur trajet. L’usager des TEC paie en effet à peine 27% du coût réel du trajet, celui de la Stib environ 50%. L’exemple de Dunkerque, première ville française de 200.000 habitants à rendre ses transports en commun non payants, a certes frappé les esprits. Il doit toutefois être pris avec des pincettes. "Tout dépend de la finalité. La mesure apparaît surtout pertinente dans une ville qui combine pollution, manque d’attractivité économique et forte précarité. Elle sera plus difficile à mettre en œuvre dans une ville au réseau déjà saturé", nous indiquait, en avril dernier, Maxime Huré, chercheur à l’université de Perpignan. Tous les voyants ne sont donc pas au vert. On fait un premier bilan dans cinq ans ?