Christine Defraigne: "Nous devons nous remettre en question au MR pour mieux redémarrer"

Christine Defraigne avait accordée un long entretien à Moustique cet été. Elle s'interrogeait déjà sur le fait d'être candidate à la présidence du MR. Cette fois, elle y va. Voici pourquoi.

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Elle pose son visage entre ses mains. Ses yeux regardent loin. Ses boucles d’oreilles dansent autour de son visage. Elle a ramassé son épaisse chevelure en un chignon assez serré. L’ancienne présidente du Sénat a choisi de quitter la scène fédérale pour devenir échevine à Liège. Dans son élégant bureau niché dans un ancien hôtel du XVIIIe, en plein centre de la Cité ardente, Christine Defraigne a des allures de reine. Elle déroule de manière interminable de nouvelles idées. Pour son parti, qui l’a bien malmenée, elle trace de nouvelles lignes, plus sociales, plus humaines. On lui a dit qu’elle était le Churchill du MR. Elle rapporte l’allusion en riant. Un coup à droite. Un coup à gauche. Mais avec un cap progressiste bien assumé.

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Vous étiez présidente du Sénat. Vous êtes revenue à Liège. Vous étiez dégoûtée par ce qui se passait au fédéral?

Ce n’est pas le mot. J’ai mené la bataille de Liège. Ça m’a demandé un travail colossal. Et on est revenu aux responsabilités après 36 années d’opposition. C’était mon devoir et mon honneur d’être à Liège.

Vous avez donné un coup d’arrêt au projet de visites domiciliaires qui devaient permettre d’arrêter des personnes en séjour irrégulier. Pourquoi?

C’était l’expression d’une conviction. Ces visites domiciliaires étaient le point d’orgue d’un ensemble de mesures qui étaient prises et avec lesquelles au MR de Liège nous n’étions pas d’accord. Nous avons toujours été pour la Suédoise. Mais à un moment nous n’avons plus pu être d’accord avec les prises de position d’un certain secrétaire d’État (Theo Francken - NDLR). La question de la déchéance de nationalité pour la deuxième et la troisième génération posait un problème, particulièrement concernant les enfants. Et là on s’est autodéterminé sur les visites domiciliaires. J’ai appelé des juges d’instruction, des constitutionnalistes, des spécialistes du droit pénal. Donc je me suis forgé une opinion. Et j’ai dit que nous ne pouvions pas être d’accord avec les visites domiciliaires. Nous avons voté contre. Je me suis sentie en accord avec mes valeurs.

Certains à l’intérieur du parti m’ont dit que je leur rendais leur fierté de libéraux.

Vous vous êtes écartée de la ligne du MR...

La campagne à Liège a été très dure. On a tout traversé. On nous représentait derrière des barreaux de prison en disant que le MR enfermait des enfants. On était seuls contre tous. Mais par rapport aux positions que j’ai prises, j’ai reçu de nombreux messages à l’intérieur du parti qui disaient que je leur rendais leur fierté de libéraux.

Il faut changer la ligne de votre parti?

Louis Michel est venu me chercher quand j’étais jeune avocate. J’ai participé à son travail de refondation. Mais plus de vingt ans après, le monde a tellement changé qu’il faut recommencer. Il y a l’urgence climatique. Mais aussi l’intelligence artificielle qui modifie profondément notre humanité. On doit redéfinir nos fondamentaux et dire ce que sont nos valeurs de libéraux. Il faut parler de notre engagement vis-à-vis de la société et de l’épanouissement de l’être humain au service de la société. La liberté, ce n’est pas pouvoir tout faire. C’est la capacité à faire. Notre rapport à l’État est celui d’un État bienveillant, protecteur, qui n’étouffe pas. La croissance doit être envisagée en rapport avec la question de la durabilité. La valeur du travail est très importante. Je ne remets pas ça en question. Mais le rapport au travail a évolué.

Seriez-vous une présidente de parti en devenir?

(Elle rit.) Vous allez me faire rougir (elle rougit). Je ne sais pas. Je n’ai pas vu que les candidatures étaient ouvertes. Tout ce que j’espère, c’est que le parti évitera une guerre civile et qu’on sortira de la logique des Capulets et des Montaigus. On a donné (la lutte entre les partisans de Charles Michel et ceux de Didier Reynders - NDLR). Mais c’est important de s’informer, de s’ouvrir, de capter l’air du temps. Il faut confronter notre parti au monde qui a évolué. Moi je suis toujours toute prête à apporter ma contribution.

On doit faire notre auto-critique

Comment feriez-vous?

Ce n’est pas sacrilège dans un parti auquel on appartient depuis si longtemps de pouvoir poser un débat et de se remettre en question. Ça ne peut pas être un tabou de dire qu’on doit faire notre autocritique, notre diagnostic. Remettons-nous en question pour mieux redémarrer. C’est plutôt sain de se questionner et de balayer devant sa porte. C’est la seule façon d’avancer. Quand on est face à un problème complexe, on doit le découper en morceaux et se poser les bonnes questions. Sinon un parti se fige et se sclérose.

Vous étiez assez proche de Charles Michel. Est-ce que votre relation s’est brisée?

(Elle réfléchit.) On s’est distanciés. C’est clair qu’il n’a pas toujours été heureux de mes prises de position. Il avait une barque à mener et ses responsabilités de Premier ministre. Et je le dis, c’est un génie de la politique.

Le MR a manqué d’humanité?

Ce n’est pas Charles Michel qui a géré le parti. C’est Olivier (Chastel - NDLR) et il a décroché son téléphone plusieurs fois pour m’engueuler copieusement. Je ne fais le procès de personne. Charles a été Premier ministre. Mais dans l’image qu’on donne, je pense qu’on doit plus parler au coeur des gens. On doit parler à la sensibilité et la fragilité des gens. On a une image un peu dure et cassante.

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