En Bolivie, des heurts de plus en plus violents après la réélection d'Evo Morales

Patricia Arce, maire d'une petite ville bolivienne, violemment humiliée par des manifestants opposés à Evo Morales. Deux semaines après la réélection controversée du président, la colère monte.

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Le corps enduit de rouge, les cheveux coupés de force, Patricia Arce, maire bolivienne a subi l'humiliation pendant plus d'une heure mercredi après-midi. La scène se déroule à Vinto, petite ville de quelque 10.000 habitants dans le département de Cochabamba en Bolivie. Attrapée par une horde de manifestants en colère, la maire a dû défiler pieds nus dans les rues de sa ville, huée et insultée. Un calvaire qui dura plus d'une heure avant que les autorités locales ne parviennent à venir en aide à celle qui a également vu son bureau saccagé et incendié et qui a été contrainte de signer une lettre de démission. Mais que lui a valu toute cette violence ? Le simple fait d'appartenir au parti du controversé président bolivien Evo Morales.

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Le 20 octobre, Evo Morales – en fonction depuis janvier 2006 – est réélu à la tête du pays avec 47% des voix contre 36% pour son opposant Carlos Mesa. Pourtant, les élections semblent tronquées et, tant l'opposition que le peuple, hurlent à la fraude électorale. Pour eux aucun doute, les dépouillements des urnes ont été truqués. Pourtant, son adversaire est de taille et apprécié du peuple. Face à Morales, le centriste Carlos Mesa, déjà président du pays entre 2003 et 2005. Au vu des résultats douteux, Mesa exige un second tour. Une demande soutenue par l'Union européenne et d'autres pays tels que les États-Unis, la Colombie ou l'Argentine. Qu'importe, Evo Morales est sur le trône et il ne compte pas en bouger. Pire, il refuse toute négociation politique avec l'opposition. "Je veux vous dire qu'ici il n'y a pas de négociation politique, ici on respecte la Constitution et on respecte le parti qui a gagné les dernières élections", déclare-t-il au lendemain des résultats. Fin de la discussion. Pas de deuxième tour possible. Le président reste président.

Le peuple dans la rue

Il n'en fallait pas moins pour que les Boliviens opposés à Morales s'insurgent. Le jour des élections, ils descendaient dans les rues du pays pour crier au scandale. Tous soutenus par le grand perdant , Carlos Mesa, qui a d'ailleurs incité au soulèvement et promis que les heurts ne feraient que s'intensifier. Parole tenue. Depuis la fin du mois d'octobre, pas un jour ne passe sans que les rues des plus grosses villes du pays – La Paz et Santa Cruz en tête – ne soient envahies. Circulation obstruée, supermarchés bloqués, grève, etc. Plus les jours avancent, plus les mobilisations "démocratiques et pacifiques" comme le rappelle Carlos Mesa, s'intensifient. "C'est ou la prison ou la présidence", a-t-il souligné lors d'une énorme manifestation sur une autoroute à proximité de La Paz.

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Bien que pacifistes, les rassemblements ont vite fait de se transformer en heurts. Rapidement, opposants et partisans à Evo Morales se sont affrontés, rejoints par les forces de l'ordre leur répondant à coups de gaz lacrymogènes. Résultat : des centaines de blessés plus ou moins graves et au moins trois décès. C'est d'ailleurs suite à la mort d'un manifestant de 20 ans que l'affaire de la maire de Vinto est survenue. Pour les instigateurs de l'humiliation, Patricia Arce est tenue pour responsable de la mort du jeune homme. La maire a rapidement reçu le soutien d'Evo Morales qui a tenu à apporter toute sa solidarité "à notre sœur, la maire de Vinto, kidnappée et vexée cruellement pour avoir exprimé et défendu ses idées et les plus pauvres", écrit-il dans un tweet. De leur côté, la représentation bolivienne de l'ONU a déploré "la violence et le traitement inhumain subi par la maire de la localité de Vinto, ainsi que les agressions visant d'autres femmes, hommes et enfants".

Seul un second tour d'élection semble pouvoir calmer le peuple qui ne démord pas et promet de continuer à descendre dans les rues. De son côté, Evo Morales est "totalement sûr" d'avoir gagné loyalement ces élections et craint le coup d'État. Partout en Amérique latine, les voix des peuples s'élèvent après des années de privation. Comme au Chili, au Pérou ou en Argentine, les Boliviens en colère sont déterminés à obtenir gain de cause. Mais à quel prix ?

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