
Le commerce d'armes: un marketing hypocrite?

À l'occasion de ses 40 ans, le Groupe de recherche et d'information sur la paix et la sécurité (Crisp) publie une bande dessinée intitulée "Le commerce des armes: un business comme un autre?". L'occasion pour son directeur de recherche Yannick Quéau de dénoncer un business opaque au marketing qui ne s'assume pas. Dans le langage de l'industrie de l'armement, en effet, les "armes" n'existent pas. "On parle plutôt de "produits ou de technologies de défense", explique-t-il. Le but de ces derniers ne serait d'ailleurs pas de tuer, mais de "protéger". Dans le vocabulaire de l'industrie, on préfère par ailleurs les termes "taux de létalité renforcé" à celui de "nombre de morts". "Il y a toute une terminologie, résume le spécialiste. On ne parle pas de producteurs d'armement mais d'industrie de la défense."
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Esthétisation de la violence
Derrière ces mots se cache pourtant un business moins reluisant qui, certes, crée des emplois chez nous (environ 11.000 directs et indirects en Belgique), mais s'avèrent très meurtrier. "L’argument de l’emploi n’est donc absolument pas valable, sous aucune condition, surtout pas sur la base de critères éthiques. On ne peut pas dire: mon emploi en Belgique vaut bien le sacrifice des droits humains et les meurtres de personnes au Yémen." Les responsables de cette industrie et certains élus politiques ont pourtant bel et bien tendance à minimiser l'impact réel d'un tel business. "C'est marrant la manière dont sont présentés les salons d'armement. C'est comme le salon de l'auto avec des personnes formées au marketing. Les gens du salon vendent leur produit comme une voiture familiale. Il y a des présentations sur les munitions. On a l'impression d'avoir des stands de bijouterie. Il y a une esthétisation de la violence armée."
L'International Defence Exhibition & Conference ou IDEX, le plus grand salon d'armement du Moyen-Orient. © Belga Image
Prendre ses responsabilités
Il poursuit: "Certains États se cachent derrière de fausses excuses en disant, ça a été le cas dans le cadre de la guerre au Yémen: "oui on a vendu des armes, mais on ne savait pas qu'elles allaient être utilisées." Ou bien: "il y a des canons d'artillerie là-bas, mais ils sont en position défensive." Quand vous êtes sous le feu d'un canon d'artillerie, vous êtes content d'apprendre qu'il était en position défensive, ironise Yannick Quéau. Car s'il avait été en position offensive on se demande ce qu'il aurait donné. Autre exemple: un blocus. C'est défensif? Il faut m'expliquer, car on a quand même tendance à empêcher l'approvisionnement d'une population…" Il termine: "Lorsque nous exportons des armes vers un pays sensible alors que les indicateurs nous incitent à renoncer, nous sommes en partie responsable de la misère qui en découle." Bref, l'industrie pourrait au moins assumer davantage et appeler un chat, un chat…
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