"Pourquoi la solitude frappe moins les travailleurs pauvres? Parce qu'ils sont plus nombreux"

Près de la moitié des travailleurs sont "pauvres". C'est le terrible constat dressé par une étude de Solidaris. Et la tendance économique n'incite pas à l'optimisme... 

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Le constat est effrayant : 48% des travailleurs belges francophones sont "pauvres". Entendez par-là qu'ils ne parviennent pas à mettre un peu d'argent de côté à la fin du mois, une augmentation de 8% en l'espace de deux ans à peine. Pour obtenir ce résultats, Solidaris – en partenariat avec les journaux du groupe Sudpresse – a mené une vaste enquête auprès de 806 Wallons et Bruxellois âgés entre 18 et 65 ans, un échantillon représentatif de la population active.

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32% affirment que leurs revenus leur permettent juste de boucler leur budget du mois. En 2017, année de la dernière étude sur le sujet, ils étaient 29%. On découvre également que 9% des sondés ne réussissent pas à boucler leur budget sans être à découvert (8% en 2017) et 7% assurent qu’ils s’en sortent de plus en plus difficilement et craignent de basculer dans la précarité (3% en 2017). "En 2017 déjà, on trouvait effarant que le travail ne protège même plus de la pauvreté alors que c'est à travers lui que les gens devraient obtenir un niveau de vie correct. Et c'est de moins en moins le cas...", constate Delphine Ancel, responsable des Etudes chez Solidaris.

Pauvreté : la nouvelle norme ?

Les résultats les plus inquiétants se situent au niveau des accès aux soins de santé. "C'est vraiment catastrophique. D'année en année, depuis l'instauration du baromètre en 2015, la santé physique à Wallonie et à Bruxelles ne fait que se dégrader.36,1% des travailleurs pauvres se disent en mauvaise santé, c’est 10% de plus qu’en 2017 où ils étaient 25,5% à l’affirmer. En 2019, 63,9% des sondés affirment être en bonne santé contre 74,5% deux ans plus tôt... "Le gouvernement a mis en place certaines mesures qui ne peuvent pas rester sans conséquences sur la vie des gens, notamment au niveau de la santé où il y a eu des attaques très fortes sur le système", déplore Delphine Ancel.

Le pire dans tout ça ? Les personnes touchées par la pauvreté ont tendance à accepter leur situation, un peu comme une normalité, une fatalité à laquelle on ne peut échapper. À la question : « En fonction de vos attentes, de vos espoirs et de ce que vous percevez comme le résultat de tous vos efforts, comment évaluez-vous votre vie actuelle sur une échelle de 0 à 10 ? », 30,4% notent à moins de 6 ; 65,3% entre 6 et 8 et 4,3% entre 9 et 10. Le pourcentage de personnes attribuant une note inférieure à 6 a chuté de 11,4 points en deux ans. Paradoxal ?

"Quand toute une série de choses ne va pas bien, au bout d'un moment, une partie de la population finit par l'intégrer... et fait avec ! On l'a vu à travers d'autres données, on voit qu'il y a une moins grande solitude chez les travailleurs pauvres de 2019 par rapport à 2017. Pourquoi ? Parce qu'ils sont plus nombreux, tout simplement. La pauvreté devient une chose banale À la limite, le côté « positif » c'est que les gens se sentent moins exclus parce qu'ils sont plus nombreux à se trouver dans le même cas. Ça a donc un impact sur leur bien-être. Mais c'est un triste constat".

Plus de chiffres :

- 53,4% des travailleurs pauvres sont des femmes et 46,6% des hommes.

- 31,9% des travailleurs pauvres ont moins de 35 ans, 55,2% ont entre 35 et 54 ans et 13,1% ont plus de 55 ans.

- 9,2% des travailleurs pauvres sont en CDI (le contrat à durée indéterminée n'est plus un bouclier contre la pauvreté) et 24,7% en CCD, stages ou intérim (situation non-désirée la plupart du temps).

- 6 travailleurs locataires sur 10 sont pauvres, contre 4 travailleurs propriétaires sur 10.

- 1 travailleur sur 3 estime que « les coups durs s'accumulent dans sa vie »

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