
Ils nous ont quittés en 2019

19 février
Karl Lagerfeld – 85 ans
Personnage, créature, acteur, silhouette et logo, le dernier grand couturier de la mode parisienne s'est éteint à l'âge de 85 ans. Commentateur de son époque (son regard était sociologique), visionnaire (il ne s'intéressait qu'à la collection suivante) et érudit caché derrière son éventail (personne ne le surpassait sur l'histoire du costume, de la peinture et du mobilier), Karl Lagerfeld avait créé sa propre silhouette qu'il est arrivé - chose rare - à styliser et transformer en gimmick. On se souviendra aussi de la clairvoyance de son regard tranchant et de la nervosité de ses avis sur une société qu'il décryptait sans pitié. Exemple? Les pantalons de jogging sont un signe de défaite. Vous avez perdu le contrôle de votre vie - donc vous sortez en jogging.
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25 février
Mark Hollis – 64 ans
Leader de Talk Talk, ce génie parmi les plus incompris des années 80 est décédé plus de vingt ans après avoir ce quitté totalement le bizness. En 1981, il avait fondé Talk Talk, que sa maison de disques voulait marketer comme une énième clone en chemises à jabot de Duran Duran. Quelques hits plus tard (Such a Shame, It’s My Life, Life’s what you make it), Mark Hollis abdique. De grand parmi les rois de la pop, il choisit de devenir unique en signant enfin les albums qui lui correspondent: « Spirit Of Eden » (1988) et « Laughing Stock » (1991). Deux suicides commerciaux. Deux chefs d’œuvres absolus. En 1998, Mark Hollis publiera encore un disque solo épuré, qui inspirera Radiohead ou encore Sigur Ros.
4 mars
Luke Perry – 52 ans
L’acteur américain, décédé des suites d’un AVC, restera à jamais le Dylan McKay de la mythique série Beverly Hills 90210. En 1989, âgé de 23 ans, il auditionne pour le rôle d’un lycéen. Il obtiendra celui d’un bad boy ténébreux, fils de millionnaire. Son personnage est tellement populaire qu’en 1991, son arrivée dans un centre commercial de Floride pour une séance de dédicaces provoque une foule de 10.000 personnes, alors que les organisateurs n’en attendaient "que" 2.000. Plusieurs personnes sont hospitalisées et le centre commercial doit fermer temporairement. Après la fin du show, Luke Perry ne retrouvera jamais tout à fait le haut de l’affiche, malgré des rôles dans Buffy the Vampire Slayer, Le Cinquième Élément ou The Incredible Hulk ou, plus récemment, la série Riverdale. Il apparaîtra pour la dernière fois dans Once Upon a Time in Hollywood de Quentin Tarantino. Ironie de l’histoire, Luke Perry est décédé quelques semaines avant le début du tournage de BH90210, le reboot de la série qui l’a vu percer mais dans laquelle il n’avait pas souhaiter jouer un rôle majeur.
25 mars
Agnès Varda – 90 ans
Pour son engagement indéfectible, pour son modernisme, pour sa proximité et son indépendance… Agnès Varda manquera au cinéma. Avec 60 ans de carrière, cette autodidacte multi-talent et multi-récompensée était devenue une sorte de couteau suisse artistique. D'origine française, c'est bien dans notre capitale qu'Agnès Varda a vu le jour le 30 mai 1928. Elle débute sa carrière de réalisatrice une trentaine d'années plus tard presque par hasard. A peine une poignée de films visionnés, aucune réelle formation, seule femme dans un cinéma indépendant sous l'emprise de la masculinité et la testostérone, elle n'a peur de rien. Cléo de 5 à 7 (1962), Sans toit ni loi (1985), Jacquot de Nantes (1991), Les Glaneurs et la glaneuse (2000) autant de jalons indélébiles d'un cinéma indépendant qui devra désormais se passer du talent de celle qui lui aura dédié sa vie et sa caméra.
24 avril
Jean-Pierre Marielle – 87 ans
Personnage, personnalité et personne de haute tenue, il avait imposé un style à l'image de sa nonchalance. Il cultivait une certaine hauteur. Il disait se foutre de tout - en tout cas de tout ce qui se rapporte à la gloire. Il disait "Je ne suis pas un acteur connu, je ne suis pas ce qu'on appelle une vedette." Il alimentait l'image d'un homme à l'élégance insoupçonnée et mettait un point d'honneur à calculer la bonne distance entre lui et la connerie humaine. Il était l'un des derniers loups d'une meute de comédiens patinés par le temps et l'expérience - emblèmes d'une époque qui n'est plus. Dans les années 50, Jean-Pierre Marielle faisait partie de la bande du Conservatoire de Paris. Si son pote Belmondo devient la coqueluche de Godard et l'idole d'une jeunesse qui prend la vie par la Nouvelle vague, Marielle se défonce au théâtre dans un registre que cette même jeunesse pointe comme un peu "vieux jeu." Au cinéma, il traverse les années 60 et - surtout - les années 70 dans des rôles - souvent seconds - à travers lesquels il impose pourtant une nonchalance, une gouaille et une silhouette qui finiront par devenir cultes. Dans ces films populaires, qui ne marquent pas l'histoire du cinéma mais les esprits des spectateurs - La valise, Cours après moi que je t'attrape, Un moment d'égarement, Calmos - il explore sa propre grammaire qu'il qualifiait modestement de petite musique. Un style qui s'épanouit et devient une référence dans Les galettes de Pont-Aven, référence ultime du savoir-faire made in Marielle.
24 avril
Dick Rivers – 74 ans
Trop souvent mis dans l’ombre de ses potes Johnny et Eddy, Hervé Forneri de son vrai nom, a enregistré au cours de sa longue carrière 33 albums studios. Fasciné par le rock'n'roll comme beaucoup de jeunes de sa génération (ses potes du Golf Drouot), Dick Rivers avait choisi un pseudonyme anglophone avant de se lancer dans la musique. Il débute en 1961 avec Les Chats Sauvages. Ensemble, ils signent les tubes Hey Pony!, Est-ce que tu le sais?, C'est pas Sérieux et surtout Twist à Saint-Tropez qui sera repris en 1978 en version électro par le trio belge Telex. Il restera un an dans le groupe, avant de se lancer dans une carrière solo. Moustique avait rencontré à plusieurs reprises Dick Rivers. Il nous avait ainsi confié cette anecdote: "Les clichés ont la vie dure. Je ne peux rien faire contre ça. Pour les médias, comme pour le public, je suis Dick Rivers. Un personnage qui ne peut pas changer de costume et doit toujours chanter Twist à Saint-Tropez. Un exemple? Lors de ma dernière tournée, je portais des baskets de couleur blanche. Rien n’y a fait. Tous les journalistes ont commencé leurs articles par : « le rideau se lève et Dick Rivers débarque avec ses éternelles santiags noires. » Je tiens à préciser que je n’ai jamais porté des santiags." Les références d’un vieux pro. L’humilité des vrais gentils. On l’aimait bien Dick.
30 avril
Anémone – 68 ans
Indomptable, extravagante, emmerdeuse fantastique, Anémone, Anne Bourguignon de son vrai nom, elle emporte avec elle son éternelle gouaille et ses prises de parole tranchantes. La mythique Thérèse du Père Noël est une ordure a même été saluée par le couple Macron. Pas sûr que la farandole d'adjectifs et de mots doux auraient plu à cette grande gueule qui n'avait jamais sa langue dans sa poche. "Le monde me gonfle. Je ne l'aime plus. Je trouve tout ça trop con", assenait-elle en décembre 2017 à un journaliste du Parisien. Écologiste de la première heure, Anémone n'aura eu de cesse de tirer la sonnette d'alarme et d'attirer l'attention sur cette Terre qui se porte de plus en plus mal. "Ce n'est pas moi qui le dit, ce sont les spécialistes", aimait-elle rappeler. Brouillée avec la troupe du Splendid - elle ne touchera jamais les droits car ses amis acteurs s’étaient constitués en société anonyme sans l'en avertir – elle avait enchaîné sur une carrière solo qui lui vaudra, pour Le Grand chemin (1987) un César de la meilleure actrice.
20 mai
Niki Lauda – 70 ans
Triple Champion du monde de Formule 1, le miraculé de Nürburgring laisse derrière lui une image de gladiateur qui a marqué à jamais l'histoire de son sport. Le tournant de sa carrière: le Grand Prix d’Allemagne, en 1976. En lutte pour le titre mondial de F1 face au Britannique James Hunt sur McLaren-Ford, Niki Lauda perd le contrôle de sa Ferrari 312 T dans un virage du célèbre et dangereux circuit de Nürburgring. Sous la violence du choc, il perd son casque et la monoplace s’embrase au contact du rail avant d’être percutée par un autre pilote, Brett Lunger. Les flammes commencent à dévorer le visage de Lauda alors qu’il gît inconscient dans son cockpit. Quatre autres pilotes (Harald Ertl, Brett Lunger, Arturo Merzario, Guy Edwards) le sortent du brasier au péril de leur vie. Brûlé au 2ème et 3ème degrés, Lauda est emmené à l’hôpital en ambulance alors qu'un prêtre lui administre l’extrême-onction sur le trajet. Il est pris en charge, opéré et survit avant d’entamer une rééducation... Après seulement 6 semaines et 2 courses manquées, il prend à la stupéfaction générale le départ du Grand Prix d’Italie de Monza malgré sa souffrance, le visage encore partiellement bandé pour ses brûlures encore vives.
16 juillet
Johnny Clegg – 66 ans
Surnommé le «Zoulou Blanc», il avait marqué le monde de la musique notamment grâce à ses chansons qui mélangeaient les rythmes zoulou et la pop, mais aussi par ses prises de position contre l'apartheid. Il a d'abord connu le succès à l'étranger, en France et en Angleterre notamment, avant de devenir une star dans son propre pays. En cause, le régime en place qui interdisait ses chansons. L'artiste devait donc se produire dans des écoles et des églises pour propager sa musique. Il avait notamment écrit le titre Asimbonanga (« Nous ne l'avons pas vu »), sorti en 1987 et dédié à Nelson Mandela, alors emprisonné depuis deux décennies. L'un des souvenirs les plus emblématique de Johnny Clegg est notamment le jour où il avait interprété la chanson Asimbonanga lors d'une tournée en Allemagne en 1997. Alors qu'il ne se doutait de rien, Mandela est apparu derrière lui, rayonnant, pour l'accompagner sur ce titre.
5 août
Toni Morrison – 88 ans
Elle fut la première Afro-Américaine a recevoir le prix Nobel de littérature. «Ses romans, caractérisés par une force visionnaire et une vitalité poétique, donnent vie à un aspect essentiel de la réalité américaine. » Voilà comment le comité du prix Nobel avait décrit Toni Morrison avant de lui remettre le prix Nobel de littérature en 1993. Née Chloe Wofford à Lorain, dans l'Ohio, elle était auteur, professeur à la prestigieuse Université de Princeton et mentor pour de nombreuses personnes. Son œuvre, qui exprime la vie et l'identité Noire aux États-Unis -au passé comme au présent- a un attrait universel. Sa puissance littéraire, intellectuelle et humaine a guidé des milliers de lecteurs, avide de découvrir sa lecture du monde. De retrouver leur place. Comme elle l'a souvent expliqué, Morrison a commencé à écrire parce que les livres qu'elle voulait lire n'existaient pas. Elle laisse en héritage des joyaux comme Beloved ou The Bluest Eye.
26 septembre
Jacques Chirac – 86 ans
Avec la mort de l’ancien président français, une page importante de l’histoire politique française s’est tournée. On le décrivait comme un grand fauve, un tueur ou un bulldozer. Sur le plan politique s’entend. Entre ses débuts comme conseiller municipal de Sainte-Féréole, en Corrèze, en 1965, et la fin de son deuxième mandat présidentiel en 2007, quelque 42 années se sont écoulées. L’obsession de cet homme décédé ce jeudi à l’âge de 86 ans est restée identique durant ce demi-siècle : conquérir et garder le pouvoir. Valéry Giscard d'Estaing, Édouard Balladur ou Nicolas Sarkozy en savent quelque chose. Ceci dit, l'homme s’est quand même pris de nombreuses gamelles. L’élection présidentielle, il l’a perdue deux fois contre François Mitterrand (1981 et 1988). La troisième fut la bonne. On est alors en 1995. Il sauve une campagne électorale mal embarquée avec une expression qui fait mouche : la fracture sociale. Mais « Chichi », c’était aussi une incroyable capacité de rebondir. Et de se renier. D’où le personnage de Super Menteur dans les Guignols. "On a tous quelque chose en nous de Jacques Chirac" chantait Johnny Hallyday lors d’un meeting électoral du RPR en 1988. Et c’est vrai que, même en Belgique, on se souvient tous d’une scène, d’une phrase ou d’un moment fort ayant émaillé sa carrière.
2 novembre
Marie Laforêt – 80 ans
La chanteuse et comédienne française laisse derrière elle plusieurs tubes, des répliques devenues cultes et l’empreinte d’une femme libre. Elle est remarquée pour la première fois sur grand écran dans Plein Soleil de René Clément. À 21 ans, elle y tient l’un des rôles titre aux coté d’Alain Delon et Maurice Ronet. Tourné en Italie du 3 août au 22 octobre 1959, le film n’a pas été un long fleuve tranquille pour l’actrice qui a dû repousser les avances assez directes d’Alain Delon. Elle soulignera plus tard l'inconfort qui régnait sur le plateau à cause de ses deux comparses : "Alain Delon et Maurice Ronet étaient si prétentieux, si méprisants: deux trous du cul !". Un sens de la repartie certainement bien utile dans un monde encore majoritairement dominé par les hommes. Plus tard dans sa carrière, celle qu’on surnommera « la fille aux yeux d'or » entamera une carrière musicale marquée notamment par Les vendanges ou La tendresse.
14 décembre
Anna Karina – 79 ans
Actrice, réalisatrice et chanteuse, Anna Karina, forcément associée à Jean-Luc Godard, dont elle a partagé la vie comme la filmographie (7 films) était une icône de la Nouvelle Vague. Surtout depuis cette réplique culte de Pierrot le fou: "Qu’est-ce que j’peux faire? J’sais pas quoi faire…". "On est sur la plage et Jean-Luc me dit de marcher et de m’ennuyer. Je dis 'd’accord, je peux jeter des pierres dans la mer, et à part ça qu’est-ce que je peux faire, je ne sais pas quoi faire ?' Il me dit 'tu vas dire ça tout le temps'", avait-elle confié en 2018. Après avoir passé son enfance au Danemark, elle avait débarqué en stop à Paris, encore mineure. Repérée par Coco Chanel, elle passe du mannequinat au cinéma quand Godard la repère dans une publicité. En 1973, elle réalisera son premier film, Vivre ensemble, histoire d’amour sur fond de drogue et d’alcool. Une première pour une actrice à l’époque.