États-Unis vs Iran: une guerre qui a commencé il y a 40 ans

L’assassinat-surprise du numéro deux iranien ne sonne pas le début d’une nouvelle guerre. Il révèle un conflit qui a cours depuis bien longtemps.

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Un feu d’artifice. Une main tranchée. Le souffle coupé. Les Américains ont entamé 2020 avec des moyens pyrotechniques particuliers: 4 missiles “Hellfire” lancés à 370 km/h sur le convoi du général Soleimani qui venait de débarquer à l’aéroport de Bagdad, la capitale irakienne. Avec, comme premier trophée pour célébrer cette nouvelle année, la main portant une large bague enchâssée d’une pierre rouge: les seuls restes du corps pulvérisé du chef de la Force Al-Qods, les forces spéciales de l’armée iranienne. Un début d’année comme le monde en a rarement vécu. Parce qu’au delà de la terminologie de l’Administration Trump qualifiant le militaire iranien de “chef du terrorisme international”, il y a bien autre chose.

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Soleimani pilotait de fait la politique extérieure de son pays. Spécialement en Irak et en Syrie où il a vaincu, au moins en partie, l’État islamique. Et au Liban et en territoire palestinien - où il a créé le Hezbollah. Le général dirigeait également la politique intérieure de son pays en priorisant les ressources financières. En les allouant à l’effort militaire. Plus puissant que le président Rohani, très populaire au sein de la population iranienne, Soleimani était, de fait, le plus haut dirigeant iranien après le Guide suprême de la révolution Ali Khamenei. Transposé aux États-Unis, ce serait l’assassinat par les Iraniens du vice-président Mike Pence ou celui de Boris Johnson. D’où le souffle coupé des dirigeants du monde entier, de Pékin à Moscou en passant par Tel-Aviv, devant une telle onde de choc.

Pourquoi cette provocation inouïe? Pour assurer un “récit” menant à la réélection de Donald Trump en novembre prochain? Tentant, mais pas convaincant. Parce que Donald Trump ne semble pas avoir besoin d’un tel artifice: l’économie américaine est au beau fixe, aucun opposant ne se profile dans le camp adverse, les sondages ne sont pas mauvais. Le président a été, par ailleurs, élu sur une promesse: ramener les “boys” au pays. Ce qu’il a fait notamment en se retirant de la Syrie kurde en octobre dernier. Déclarer une guerre à l’Iran, c’est aller à l’encontre de la politique militaire non interventionniste du président.

Ce qui s’est passé ce 3 janvier 2020 est sans doute assimilable à une réaction américaine non maîtrisée. Par rapport à une action iranienne mal calculée, dans la confrontation qui oppose les deux pays. Pour venger la mort d’un sous-traitant américain tué par les Iraniens en Irak, les Américains ont bombardé un site irakien et tué 25 soldats chiites et iraniens. Les Iraniens ont alors commis une terrible erreur de calcul: toucher à l’ambassade américaine de Bagdad dont l’enceinte a été partiellement saccagée par leurs supplétifs.

Ce tabou faisait écho à l’une des plus grandes humiliations subies par les Américains lors de ce dernier demi-siècle: l’invasion et la capture du personnel de l’ambassade américaine de Téhéran lors de la révolution islamique. Cette prise d’otages dura 444 jours du 4 novembre 1979 au 20 janvier 1980. Ces images de diplomates américains entravés et aveuglés comme des condamnés à mort ont 40 ans. Et constituent en réalité le vrai début de la guerre entre les deux pays. Celle-ci semble réclamer un nouveau tribut de sang et d’images…

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