
Procès d’Harvey Weinstein: à quoi peut-on s’attendre?

Depuis les révélations du New York Times en octobre 2017, on a parlé de "l'affaire Weinstein" à toutes les sauces. Dans les pages du journal américain, douze femmes accusent alors Harvey Weinstein, figure emblématique du cinéma hollywoodien, de harcèlement sexuel, d'agression sexuelle ou de viol. Elles encourageront d'autres présumées victimes du producteur à témoigner, parmi lesquelles des visages bien connus du grand écran comme Jennifer Aniston, Gwyneth Paltrow et Angelina Jolie. Après plus de deux ans d'attente et d'exposition médiatique, le procès Weinstein s'ouvre aujourd'hui et son issue reste imprévisible.
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La time-line
Le procès s’étendra sur une période de deux mois. Après l’adresse officielle du juge aujourd’hui, les deux premières semaines seront dédiées aux choix des jurés. Un processus compliqué au vu de la notoriété du producteur. 2000 convocations ont été envoyées dans l'espoir d'amener au moins 500 jurés potentiels à se présenter mardi à la Cour suprême de l'État. Le juge et les avocats des deux parties réduiront alors le nombre de jurés à 12 personnes et six suppléants. Commenceront ensuite les plaidoiries des deux parties.
Quelles accusations ?
Si plus de 80 personnes accusent Harvey Weinstein d’harcèlement sexuel ou de viol, le producteur ne fait ici face qu’à deux allégations. L’homme aurait forcé une assistante de production (Mimi Haleyi) à des relations sexuelles orales en juillet 2006, et violé une autre femme (restée anonyme) en mars 2013 dans une chambre d’hôtel new-yorkaise. Parmi les cinq chefs d’accusation retenus contre lui, l’agression sexuelle prédatrice l’expose à une éventuelle peine de prison à vie.
Mimi Haleyi est l'une des deux victimes présumées de Weinstein dans ce procès © Belga Image
Mais pourquoi Weinstein est-il ici jugé pour seulement deux affaires quand on connait la longue liste des présumées victimes ? La plupart des autres accusations à son encontre sont en fait trop "vieilles" pour être poursuivies, ou ne relèvent pas de la juridiction de l’État de New York, ou n’impliquent simplement pas un comportement abusif criminel. Certaines victimes dont les cas auraient pu être traduits en justice n’ont pas non plus osé s’attaquer à l’ogre hollywoodien par peur de l’exposition médiatique ou des conséquences sur leur vie personnelle et professionnelle. Une trentaine ont été réduites au silence par un chèque de 25 millions de dollars, offert aux signataires d’une action collective contre Weinstein…
Les procureurs comptent par contre bien s’appuyer sur plusieurs témoignages de présumées victimes pour étayer leurs accusations et révéler un comportement généralement nocif et abusif de la part de l’ex-producteur. Parmi ces témoins, l’actrice Annabella Sciorra qui explique avoir été violée par le producteur en 1993 à Manhattan.
Les acteurs du procès
Après avoir embauché, malmené et viré plusieurs avocats réputés, le choix définitif d’Harvey Weinstein s’est porté sur une équipe de cinq pénalistes emmenés par Donna Rotunno, avocate renommée de 42 ans et surnommée "le bouledogue des salles d’audience" (39 affaires gagnées sur 40). "J'ai senti qu'il était important d'avoir une femme dans l'équipe", a-t-il confié. "L’élue" a en effet expliqué à la presse que "contrairement à un avocat masculin", elle peut mener "un contre-interrogatoire serré avec une femme sans passer pour un tyran". Rotunno accuse aussi le mouvement #MeToo de faire de la place publique un tribunal, dépouillant les accusés de leurs droits. Dans la chaise du juge, siègera James M Burke, connu pour être "un juriste irritable mais juste, qui ne tolère ni la frime ni l'incompétence", d’après le New York Times.
Donna Rotunno, l'avocate principale d'Harvey Weinstein © Belga Image
La défense
Depuis sa mise en accusation, Weinstein a accumulé plusieurs bourdes, comme donner une interview où il prétend être un "un pionnier de la défense des femmes au cinéma", se plaignant que son travail ait été oublié. Il a par contre aussi fourni à ses avocats des e-mails qui, selon lui, montrent des relations longues et intimes avec les deux présumées victimes. Il aurait par exemple discuté avec celle qui l’accuse de viol, des années après les faits. Dans l’une de leurs conversations, la femme écrit: "Je t'aime, je t'aime toujours. Mais je déteste me sentir comme un plan cul". Mme Haleyi, la deuxième victime de ce procès, lui aurait aussi fait parvenir un message plusieurs mois après sa prétendue agression : "Salut ! Je me demandais si vous aviez des nouvelles pour savoir si Harvey aura le temps de me voir avant de partir ? X Miriam." "Ce sont des femmes qui ont passé du temps avec lui pendant une certaine période et je pense que nous avons la preuve que ce temps n'était que positif et favorable", a argumenté l’avocate du producteur qui, lui, ne s’exprimera normalement pas dans ce procès.
Quel verdict ?
Si l’on ne peut pas encore donner de pronostics précis sur l’issue de ce procès, son résultat est très attendu et sera le symbole d’un système juridique capable, ou non, de rendre justice aux victimes. Après ces deux mois sous haute tension, Weinstein fera certainement face à d’autres procédures judiciaires, comme à Los Angeles où les services du procureur ont annoncé fin décembre qu’ils avaient fait de l’affaire Weinstein leur priorité et qu’ils étudiaient la possibilité de lancer des poursuites judiciaires…