
Poutine, au pouvoir jusqu’en 2036?

4 mandats, et puis s’en va… pas ? Le président russe Vladimir Poutine s’est dit mardi prêt à rester au pouvoir après 2024, date à laquelle il est censé remettre les clés du Kremlin. Sous réserve d’un accord de la Cour constitutionnelle, Poutine pourrait se représenter pour deux mandats supplémentaires, une perspective jusqu’alors interdite par la Constitution. Cela le maintiendrait à la tête de la Russie jusqu’en 2036, lui qui est arrimé au pouvoir depuis 2000.
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L’idée est officiellement venue du Parlement russe… En plein travaux de modification de la Constitution, la Douma a abordé la question du futur de Vladimir Poutine après 2024. « Pourquoi tourner autour du pot ? Pourquoi imaginer des constructions artificielles ? Regardons les choses honnêtement : si les gens le veulent et si la situation l’exige, il faut permettre au président en exercice de se présenter de nouveau à ce poste » a demandé la députée Valentina Terechkova, ancienne cosmonaute et première femme dans l’espace, en 1963.
Cette proposition, en apparence spontanée, s’est immédiatement transformée en amendement, pour être soumis au vote. Dans une chorégraphie bien rodée qui a amené de nombreux observateurs à y voir une mise en scène préméditée, le Président russe s’est alors avancé à la tribune du Parlement et a jugé « faisable » l’idée de se représenter une nouvelle fois. « Les Russes doivent avoir, dans n’importe quelle élection, le choix » a-t-il reconnu, tout en jugeant que « la stabilité est peut-être plus importante ».
Dans la foulée, la Douma a adopté, avec 380 votes, l’amendement. Pour être effectif, le changement devra encore être validé par la Cour constitutionnelle, et obtenir l’aval des Russes lors d’un « vote populaire » le 22 avril.
Un « coup » planifié ?
En janvier dernier, l’homme fort du Kremlin avait lancé le chantier de modification de la Constitution. Le projet annoncé était d’octroyer plus de pouvoirs au Premier ministre, aux dépens du Président. Par ailleurs, Poutine a exclu à plusieurs reprises ces dernières années l’hypothèse d’un maintien au sommet de l’État. Avec cet amendement voté mardi, le dirigeant russe ne fait-il pas demi-tour, en cherchant à tout prix à garder les rênes du pouvoir?
« Il est possible qu’il ait sincèrement envisagé de ne pas se représenter en 2024 » explique Aude Merlin, chargée de cours en sciences politiques (ULB) et spécialiste de la Russie. « Mais probablement a-t-il planifié ce coup en deux temps. Acte 1 : modifier la Constitution. Acte 2 : utiliser cette modification pour remettre le nombre de ses mandats consécutifs à zéro et ainsi pouvoir se représenter ». Selon la chercheuse, « l’idée maîtresse est de maintenir ce régime autoritaire, de le justifier par la nécessité d’une stabilité, tout en inscrivant dans la Constitution les tenants du pacte symbolique entre la société et le pouvoir ».
Voilà probablement pourquoi un certain nombre d’amendements à portée symbolique et religieuse vont être également inscrits dans la Constitution. « La foi en Dieu » ou l’interdiction du mariage homosexuel sont des thèmes susceptibles de mobiliser une frange de la population qui n’aurait autrement pas été encline à voter la possibilité du maintien du dirigeant russe au pouvoir. Selon un récent sondage, 27% des Russes soutiendraient une prolongation de Poutine comme président après 2024.