
Rester chez soi et éviter tout contact social

Les autorités belges ont annoncé la semaine dernière des mesures fortes pour endiguer la crise du coronavirus. L'objectif principal est clair : éviter la saturation complète des infrastructures d’accueil hospitalières et une situation à l'italienne. C'est-à-dire l'impossibilité de soigner tout le monde et l'obligation pour le personnel soignant de choisir qui sera sauvé et qui ne le sera pas. C'est ce qui se déroule aujourd'hui en Italie. C'est ici qu'intervient une première confusion au sein d'une partie de la population. Il faut absolument éviter qu'un nombre important de Belges soient malades en même temps.
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Dans un article publié sur le site Internet de plusieurs médias flamands, le professeur à la faculté de médecine à de l’Université de Gand, Wim Derave, l'expliquait encore ce week-end avec des chiffres à la clé : « Même dans un scénario optimiste, où seulement 30 au lieu de 60% de la population belge sera infectée (à condition que personne n’organise encore des soirées à la maison, ni ne rende visite à des amis à partir de maintenant), 150.000 Belges devront être hospitalisés, dont 30.000 seront aux soins intensifs et sous respiration artificielle. Nous n'avons pas même une fraction de cette capacité à disposition ! Ces personnes ne peuvent absolument pas arriver en même temps. Nous devons donc ralentir l’épidémie. Une partie de ces 30.000 personnes pourront être sauvées, les autres mourront. En Italie, on en est à une personne sur quatre qui peut être sauvée »
"En Italie, on en est à une personne sur quatre qui peut être sauvée"
«Éviter de manière drastique tout contact social »
C'est ici qu'intervient la deuxième confusion au sein d'une partie de la population : voir ses amis ou sa famille en cercle restreint ne poserait pas de problème. C'est une erreur. Il faut au contraire éviter au maximum tout contact social. Moustique fait le point avec Marius Gilbert, épidémiologiste de l'ULB. «La nécessité de réduire les contacts de façon absolument drastique est maintenant très très forte. Quel que soit le type de comportements, d'activités, y compris celles qui concerne la sphère professionnelle. Si on veut renverser la courbe de croissance de cette épidémie et justement ne pas arriver à une saturation du système hospitalier endéans les deux semaines, il faut vraiment que la quantité de contacts entre les différentes personnes soit réduite au maximum pendant les deux prochaines semaines », explique Marius Gilbert. Il insiste : il faut au moins 60 à 70% de diminution de taux de contacts pour espérer avoir un effet pour espérer avoir un effet sur la courbe de croissance épidémique.
Un comportement citoyen
Si les Belges ne respectent pas cette règle d'évitement social maximal, la maladie va se propager dans des proportions difficilement contrôlables. Le nombre de malades continuera de doubler tous les trois jours et les capacités d'accueil hospitalières seront dépassées. Ce n'est pas la situation actuelle et il reste de la marge, précise Marius Gilbert. Celui-ci pourfend aussi le fameux « Je n'ai pas peur » entendu ici et là ces derniers jours. « Dire 'Je n'ai pas peur' n'a pas vraiment de sens quand il s'agit d'un virus. Cela pourrait éventuellement avoir du sens par rapport des attaques terroristes. Mais là, ça n'a aucun sens. La menace est diffuse et peut concerner tout le monde. Par un comportement, où je dirais on s’affirme et on dit 'Je n'ai pas peur', on contribue à augmenter le risque pour les autres", explique l'épidémiologiste. Qui insiste : la balle se trouve donc dans le camp du citoyen. Seul lui fera en sorte que les mesures de confinement aillent plus loin ou non. Des mesures « italiennes » (confinement total) ou « autrichiennes » (interdiction de rassemblement de plus de cinq personnes) sont hautement probables si la situation sanitaire s’aggrave rapidement, explique-t-il.
Pourquoi les crèches restent ouvertes ?
La décision a perturbé pas mal de personnes. Pourquoi supprimer les cours d'école, mais maintenir lues crèches ? Selon Marius Gilbert, deux raisons principales expliquent cette décision : éviter l'absentéisme de travailleurs de la santé comme de la sécurité et éviter plus globalement aussi que des grands-parents soient mis à contribution. « Le souci du gouvernement était qu'un certain nombre de services vraiment essentiels puissent être maintenus pour les travailleurs de la sécurité et la santé, et aussi qu'un certain nombre d'enfants se retrouvent chez les grands parents », explique l'expert.
Que conseillent les autorités ?
En cas de menace pour la santé publique, un groupe de décision rapide (risk management group) existe au sein du SPF Santé pour gérer tous les aspects de la crise liés à la santé. S'y trouvent notamment des experts sortant de la sphère médicale, par exemple les spécialistes en gestion des risques. Ce groupe de décision est conseillé par un groupe composé de trois types d'experts en biomédecine (le risk assessment group): des médecins, des virologues et des épidémiologistes. Marius Gilbert: "Les trois compétences se complètent. Les médecins s'intéressent à l'effet du virus sur les patients, à l'évolution de la maladie sur le patient, aux symptômes, aux outils thérapeutiques utilisés pour lutter conter le virus. Les virologues se concentrent sur le virus lui-même, sur la biologie du virus, sa génétique, comment il pénètre dans le virus, comment il se réplique à l’intérieur d'un autre, comment on peut diagnostiquer le virus. Et enfin les épidémiologistes s’intéressent aux événements macroscopiques, à l’échelle du groupe, aux facteurs de risques, pour déterminer si certaines populations sont plus vulnérables que d’autres".
Si cette crise requiert une coordination entre les différents secteurs et administrations, une cellule de crise peut être mise en place au centre de crise du SPF Intérieur. Si le citoyen belge ne se trouve pas au sein de ces groupes, il joue pourtant le premier rôle : limiter au maximum ses contacts sociaux. « C'est l'adoption de ces mesures par le grand public qui va déterminer la suite. Si on les applique mollement et le gouvernement va devoir prendre bien à terme des mesures en plus », conclut notre expert de l'ULB.