
Coronavirus : le paradoxe allemand

En Europe, aucun pays n’est épargné. L’Italie, et même l’Espagne, vivent une situation alarmante que les autres tentent d’éviter à tout prix. Sur la troisième marche de ce triste podium, l’Allemagne fait office d’exception. Ce lundi matin, selon l’institut de santé publique Robert Koch, le pays comptait 22.672 cas dépistés et 86 décès, un nombre particulièrement bas par rapport à d’autres pays. À titre de comparaison, en France, le dernier bilan est de 674 décès pour plus de 16.000 cas.
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Cela signifie également que l’Allemagne a un taux de létalité relativement faible : 0,3%, contre 2,3% en Belgique, 4,2% en France et 9% en Italie. Ce contraste intrigue et surprend, sachant que l’Allemagne et l’Italie partagent le même pourcentage de citoyens âgés de 65 ans ou plus. Si cette différence reste un mystère, les spécialistes ont avancé plusieurs hypothèses.
Des tests précoces
Premier facteur : le grand nombre de tests réalisés, et leur précocité. Début mars, alors que l’épidémie était encore dans une phase peu avancée, nos voisins ont testé plus de 135.000 personnes. Ils en dépistent désormais 160.000 par semaine.
De notre côté de la frontière, près de 30.000 tests ont été réalisés, en date du 23 mars, par les laboratoires, uniquement chez les personnes les plus malades et le personnel soignant. Le fait que la Belgique ait réalisé si peu de tests jusqu’à présent fausse également son taux de mortalité, le nombre de cas réels étant bien plus supérieur au nombre de cas recensés.
La population touchée
Ces tests réalisés en Allemagne à titre préventifs permettent une meilleure prise en charge des citoyens, mais ils permettent aussi de dresser le profil du patient allemand, plus jeune. Près de 80% des personnes contaminées ont entre 15 et 59 ans. La maladie s'est d'abord principalement propagée dans une population relativement jeune et en bonne santé, c’est-à-dire moins à risques, même s'ils peuvent aussi être sévèrement atteints par le Covid-19. Ce qui apporterait un autre élément de réponse.
© BELGA IMAGE / John MACDOUGALL
Pour rappel, en Belgique, et dans les autres pays, beaucoup de jeunes ont probablement été contaminés, sans pour autant avoir été détectés.
Une donnée absente
La méthodologie de la collecte de données en Allemagne pourrait également jouer un rôle dans cet écart de mortalité. En effet, contrairement à d’autres pays européens, le pays ne réalise pas de tests au coronavirus post-mortem sur les personnes décédées. Par conséquent, il est théoriquement possible que des personnes décédées chez elles avant d'être testées n'apparaissent pas dans les statistiques. Mais les médecins spécialistes ne pensent pas que ce nombre de cas non signalés soit statistiquement significatif.
Mieux équipée, mais...
Avec 25.000 lits de soins intensifs avec assistance respiratoire, contre 5.000 en Italie et 7.000 en France, l’Allemagne est particulièrement bien équipée. Alors que les hôpitaux ne montrent pas encore de signe de saturation, les autorités ont décidé de transformer les hôtels et grandes halles en services de soins intensifs pour augmenter cette capacité d’accueil.
© BELGA IMAGE / Ina FASSBENDER
L’équipement médical n’est toutefois pas non plus un facteur suffisamment significatif pour résoudre le mystère du taux de mortalité en Allemagne. Ses voisins européens avaient, eux aussi, mobilisé leurs hôpitaux. Mais ce point pourrait s’avérer avantageux dans les mois à venir si la crise venait à s'aggraver.
Et sur le long terme ?
“Il est encore trop tôt pour dire si l'Allemagne est mieux préparée médicalement à la pandémie de Covid-19 que d'autres pays”, a déclaré au Guardian Marylyn Addo, qui dirige le département d'infectiologie du Centre médical universitaire de Hambourg. Le président de l’Institut Robert Koch Lothar Wieler a déclaré qu’à long terme, il ne s’attend pas à ce qu’il y ait une différence significative entre les taux de mortalité allemand et italien.