
La chloroquine, le traitement controversé contre le coronavirus

La fièvre de la chloroquine, un autre symptôme du coronavirus ? Depuis plusieurs jours, cette molécule est au coeur de toutes les attentions. Principalement utilisée contre le paludisme, la chloroquine est désormais évoquée comme un traitement potentiel contre le Covid-19. De même que son dérivé l'hydroxychloroquine. Toutefois, la question suscite un large débat. Certains médecins ont franchi le pas de la prescription, tandis que d’autres veulent freiner cet emballement.
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Médicament miracle ?
Bien que les chercheurs chinois aient été les premiers à rapporter les effets de la chloroquine, c’est une étude française qui a déclenché cet engouement. Conduite par le désormais célèbre professeur Didier Raoult, directeur de l’Institut hospitalo-universitaire (IHU) Méditerranée Infection à Marseille, cette étude clinique présente la molécule comme la parade face au nouveau coronavirus. Le traitement administré est simple et peu onéreux, mêlant de l’hydroxychloroquine commercialisée sous le nom Plaquenil et un antibiotique, l’azithromycine. Au bout de six jours, 25 % seulement des patients étaient encore porteurs du virus. Suite à ces résultats spectaculaires, publiés dans l’International Journal of Antimicrobial Agents, l’expert a jugé “immoral” de ne pas l’administrer aux malades, au vu de la crise sanitaire actuelle.
Le professeur Didier Raoult, directeur de l’Institut hospitalo-universitaire (IHU) Méditerranée Infection à Marseille. © BELGA IMAGE / GERARD JULIEN
Les limites de l’étude
Beaucoup de ses confrères émettent pourtant des réserves, critiquant fortement la méthodologie de l’étude. Le faible nombre de patients testés incite effectivement à la plus grande prudence. Seulement 26 personnes ont participé à cette étude, dont six écartées des résultats pour ne pas avoir pu suivre l’essai jusqu’au bout.
Pour certains spécialistes, ces résultats n’auraient jamais été acceptés dans une revue en temps normal, rappelant ainsi que l’un des coauteurs de l’étude est le rédacteur en chef de la revue qui les a accueillis. D'autres médecins ont également mis en garde contre le risque d'automédication lié à ce type d’annonce, soulignant les nombreux effets secondaires de la chloroquine, parfois très graves.
Malgré ces critiques et mises en garde, de nombreux Français tentent depuis plusieurs jours de se procurer ce médicament délivré uniquement sur ordonnance. Sans même attendre la validation des autorités sanitaires et des médecins l’administrent déjà. Les pharmacies ont constaté une hausse inhabituelle de la demande, certains sont même en rupture de stock. En Belgique aussi, face à l’urgence, le CHU Saint-Pierre utilise déjà ce traitement à l’hydroxychloroquine.
Pas de faux espoirs
L’intérêt grandissant pour le chloroquine est loin de se limiter à la France. Aux États-Unis, Donald Trump a lui aussi vanté les vertus de cet antipaludéen. Samedi 21 mars, le milliardaire a déclaré espérer que les deux médicaments allaient pouvoir être disponibles “immédiatement”, avant de se faire remonter les bretelles par sa propre administration. Rappelant que l’efficacité de cette molécule pour lutter contre le coronavirus n'a pas été prouvée, le patron de la Food and Drug Administration a mis en garde contre le risque de générer de "faux espoirs" au sein de la population.
....be put in use IMMEDIATELY. PEOPLE ARE DYING, MOVE FAST, and GOD BLESS EVERYONE! @US_FDA @SteveFDA @CDCgov @DHSgov
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) March 21, 2020
Une étude européenne pour clôturer le débat
Insuffisante, l’étude du professeur Didier Raoult reste tout de même intéressante. Ouverte par les Chinois, cette piste de la chloroquine pour lutter contre le SARS-CoV-2 va être évaluée à plus grande échelle. Sept pays européens dont la Belgique vont mener des essais cliniques auprès de 3.200 patients pour confirmer l’efficacité de ce traitement, et ainsi trancher le débat sur le plan médical. Les chercheurs vont tester quatre combinaisons de médicaments. Les premiers résultats sont espérés dans quelques semaines.