
Le Brésil mal préparé face au Covid-19

Plus de 110.000 personnes pourraient mourir du Covid-19 en six mois, rien que dans l’État de Sao Paulo, le plus peuplé du Brésil. Les autorités sanitaires brésiliennes s’attendent en effet à voir déferler la vague du coronavirus sur le pays. Pour l’instant, le géant de plus de 200 millions d’habitants est relativement épargné, avec « seulement » (on insiste sur les guillemets) 10.278 cas recensés et 432 décès dû au virus, selon les derniers chiffres de l’OMS. Mais rien ne dit que la situation ne s’aggravera pas dans les prochains jours. Pas assez de respirateurs, de lits en soins intensifs, de personnel qualifié, de masques, de tests de dépistage, etc. Le Brésil manque de tout à l’heure d’affronter la pandémie. C’est un aveu qui émane directement du ministère de la santé, qui a publié lundi un rapport alertant sur les insuffisances brésiliennes.
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Les habitants des favelas de Rio de Janeiro et des innombrables bidonvilles du pays, soit 13 millions de Brésiliens, pourraient être particulièrement menacés par le virus. C’est que dans les quartiers populaires, il est presque impossible de mettre en place des mesures de confinement. Comment en effet s’isoler au milieu de minuscules maisons, où s’entasse souvent toute une famille, dans une seule pièce mal aérée ? D’autant qu’en l’absence de couverture sociale, s’isoler c’est se couper de tout revenu.
Faillite du service public
Dans les favelas règne une économie informelle, qui subit de plein fouet la fermeture des commerces et les restrictions de déplacement. Vendeurs ambulants, femmes de ménage, ouvriers à la journée, etc. Tous ces travailleurs-là voient les cordons de leur maigre bourse se resserrer un peu plus. Du coup, le confinement a encore moins de chances d’être correctement respecté. « Je dis aux gens : rentrez chez vous, fermez vos boutiques. Mais ils me répondent : “Ok, mais comment je vais manger ? Comment mon fils va manger ?” Les gens ne peuvent tout simplement pas s’arrêter de travailler. C’est désespérant » témoigne au Monde Vania Ribeiro, vice-président de l’association des voisins de Tabajaras, une favela de Rio.
Signe que l’inquiétude grandit, des trafiquants de drogue ont pris le relais dans certains quartiers, et ont imposé un couvre-feu, en lieu et place de la police, qui ne s’y aventure traditionnellement pas. Pour pallier aux manquements des services publiques, des initiatives solidaires se sont multipliées : des bannières ont été déployées pour sensibiliser les habitants à la gravité de la crise ; ailleurs on s’est cotisé pour acheter et distribuer du gel hydroalcoolique et du savon, etc.
Une simple « grippette »
Mais le pire est peut-être que, à l’instar de son modèle Donald Trump, le président brésilien Jair Bolsonaro a passé le mois de mars à minimiser la gravité de la pandémie. Pour le leader d’extrême-droite, le Covid-19 a longtemps été une simple « grippette », qui ne toucherait pas le Brésilien moyen, un Brésilien qui « n’attrape jamais rien. Il saute dans un égout, nage, ressort… et rien ne lui est arrivé ». Bolsonaro n’a dès lors par hésité à distribuer les poignées de main, et a continué les bains de foule comme si de rien n’était. Il s’est même opposé à plusieurs gouverneurs, qui ont instauré dans leurs États le confinement ou la fermeture des activités économiques non essentielles. « Certains vont mourir ? Oui bien sûr. J’en suis désolé, mais c’est la vie. On ne peut pas arrêter une usine de voitures parce qu’il y a des morts sur la route chaque année », a-t-il justifié. Face à la propagation du virus, le président brésilien a néanmoins rétro-pédalé la semaine passée : « Nous sommes face au plus grand défi de notre génération. Ma préoccupation a toujours été de sauver des vies ».