
Violences conjugales : les lignes d’écoute pour victimes surchauffent

Vous l’avez peut-être remarqué dans votre fil d’actualité Facebook : certains de vos contacts ont opté hier et aujourd’hui pour une photo de profil temporaire, toute noire. C’est un « black out féminin », une action de sensibilisation à la lutte contre les violences faites aux femmes durant ce confinement. Même pour un couple qui va bien, rester cloîtré à la maison n’est pas facile tous les jours. Alors pour les victimes de violences, il peut s’agir ni plus ni moins que d’une question de survie…
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En Flandre, le nombre d’appels au numéro 1712 a fait un bond de 70% depuis le début du confinement. De ce côté-ci de la frontière linguistique aussi, la ligne « Écoute Violences Conjugales » (0800/300.30) chauffe particulièrement en cette période. « On enregistre en moyenne trois fois plus d’appels. On tourne autour de 60 appels entre 9h et 19h, au lieu d’une vingtaine en temps normal » note Jean-Louis Simoens, coordinateur de la ligne et membre du Collectif contre les Violences Familiales et l’Exclusion (CVFE). « Mais attention, cela ne veut pas forcément dire que le nombre de faits de violences a triplé ».
24H sur 24H
Si de nouveaux faits peuvent éclater durant cette période difficile, celle-ci révèle surtout une violence qui était déjà latente au sein des couples concernés. Rester enfermé presque 24H sur 24H avec son agresseur est bien souvent le coup de trop et pousse les femmes à chercher de l’aide. Vu la période, il n’est cependant pas toujours évident d’appeler en toute discrétion ; les victimes doivent parfois user de stratagèmes pour déjouer la surveillance du conjoint violent. « On fait face à des appels plus courts que d’habitude, explique Jean-Louis Simoens. Pour ne pas se faire entendre, les victimes appellent depuis le fond du jardin, quand elles vont faire les courses… C’est pour ça qu’on a mis en place un système de chat, où vous envoyez un message et un de nos opérateurs répond par écrit ».
Pour les professionnels au bout du fil, l’enjeu est de mettre en place avec l’appelante des mécanismes relationnels pour tenter d’apaiser les situations susceptibles de l’être. Sinon l’objectif sera de gagner du temps, faire en sorte de geler les accès de violences pour tenir jusqu’à la levée du confinement. Ou fuir, s’il n’est plus possible de faire autrement ? Encore faut-il avoir où aller. La vingtaine de maisons d’accueil en Fédération Wallonie-Bruxelles est chroniquement saturée, « c’est une galère pour y trouver une place » souffle Jean-Louis Simoens.
Pour tenter d’y remédier, une task force « Violence conjugale et confinement » a été mise en place début avril, réunissant la Fédération Wallonie-Bruxelles et les Régions wallonnes et bruxelloises. Des budgets supplémentaires ont pu être débloqués, notamment pour renforcer le nombre de places d’accueil disponibles. À Liège ou à Bruxelles, des chambres d’hôtel ont également été louées, pour éviter la saturation du réseau et accueillir les victimes potentiellement contaminées au Covid-19.
Une politique à coordonner
Des initiatives saluées par les associations du secteur. « C’est un très bon signal envoyé par les entités fédérées, juge Jean-Louis Simoens. On attend maintenant que le gouvernement fédéral fasse sa part ». Un collectif d’associations (comme Vie Féminine, SOS viol, le CVFE, etc.) a en effet signé au début du mois une carte blanche. Les signataires y demandent notamment que la lutte contre les violences entre partenaires soient une priorité pour les zones de police. Si certaines zones ont mené des actions en ce sens (à Bruxelles-Nord, la police annonçait par exemple qu’elle reprendrait contact par téléphone avec toutes les personnes ayant déposé plainte pour des actes de violence familiales sur les trois derniers mois), celles-ci restent ponctuelles et pas systématiques.
Les auteurs de la carte blanche réclament également une procédure facilitée et accélérée dans le traitement des plaintes pendant et après le confinement. Car pour ces associations, les mesures demandées doivent se poursuivre « au-delà de la période de confinement en s’intégrant à une véritable politique globale, cohérente et coordonnée de lutte contre les violences faites aux femmes, financée en conséquence ».
Et les enfants ?
Les cas de violences familiales ne se limitent évidemment pas aux relations entre conjoints ; les enfants, directement ou indirectement peuvent aussi en être victimes. Dans quelle proportion, durant ce confinement ? « On reçoit aussi des appels qui concernent les enfants. On n’a malheureusement pas pour l’instant accès au système d’encodage et on est réduit à tenir des statistiques papier pour le moment. On en saura plus à ce niveau-là, une fois le confinement levé » explique Jean-Louis Simoens.
Besoin d’aide ? Une permanence est assurée par des spécialistes au numéro gratuit 0800/30.030, du lundi au vendredi de 9H à 19H. L’appelant est redirigé vers un service d’écoute généraliste en soirée, la nuit et les week-ends.