
Le retour des visites dans les maisons de repos, une fausse bonne idée ?

Le Conseil national de sécurité a créé la surprise mercredi en annonçant la reprise des visites dans les maisons de repos, à partir de lundi prochain et sous certaines conditions: les établissements peuvent accueillir une seule personne, désignée à l’avance et toujours la même, par résident, uniquement si elle n’a présenté aucun symptôme endéans les 15 jours de sa visite. “Les maisons de repos se chargeront de l’organisation de ces visites”, a déclaré la Première ministre Sophie Wilmès, ajoutant que cette mesure concerne également les personnes isolées. “Nous ne pouvons en effet pas négliger les conséquences du confinement sur le bien-être psychologique de tous, et certainement pas des plus fragiles d’entre nous.”
La lecture de votre article continue ci-dessous
Si la décision est “humainement compréhensible”, elle reste “difficilement réalisable”, d’après le président de la fédération des maisons de repos (Femarbel) Marc Verbruggen. Voire même risquée, alors que le secteur fait face à une “surmortalité anormale”. "Alors que les maisons de repos travaillent déjà en effectif réduit, que l'armée est chargée d'intervenir... Comment serons-nous en mesure de garantir que le virus ne se propage pas depuis la maison de repos vers les familles des visiteurs et inversement? Il aurait été nécessaire que des mesures strictes soient mises en application avant d'annoncer l'ouverture aux visiteurs", regrette le président.
Pour Thomas Orban, la reprise des visites est “une erreur stratégique grave”. Le président du collège de médecine générale francophone demande au Conseil national de Sécurité de “faire marche arrière rapidement”.
L’incompréhension totale
Le secteur, témoin de la moitié des décès face à la pandémie, tente tant bien que mal de garder la tête hors de l'eau. La campagne de dépistage attendue prochainement dans les maisons de repos leur ont apporté une brève lueur d’espoir, avant de laisser sa place aujourd’hui au doute et à l’incompréhension. Prise sans aucune concertation avec les acteurs du secteur, la décision du Conseil national de Sécurité soulève pourtant de nombreux problèmes pratiques.
© BELGA IMAGE / MARISCAL
Qui au sein du personnel surchargé s’occupera d’organiser et de contrôler ces visites? Comment vérifier que le visiteur ne soit pas infecté? Et quid du matériel? “Aucune mesure n’a été prise en cas de résident positif au Covid-19. Que se passe-t-il? Est-ce que ce dernier a quand même droit à la visite d’un proche en sachant qu’on prend alors le risque que le virus sorte de la maison de repos?” s’interrogeait mercredi soir le directeur d’une maison de retraite à Jette, craignant pour la santé de ses résidents et celle de son personnel. Pris au dépourvu, le secteur veut des réponses.
“L'interdiction reste la règle”
Face aux nombreuses critiques, Sophie Wilmès a rappelé que ces visites sont une possibilité et non une obligation. "Nous savons aujourd’hui que ça va durer très longtemps. Tout le monde a pu constater à quelle point cette situation est inhumaine, nous devons donc y faire quelque chose", a-t-elle expliqué jeudi matin au micro de Radio 1 (VRT). "Que cela arrive demain, ou dans les prochains jours ou les prochaines semaines, il n’y a aucun problème, mais il faut que quelque chose change."
Pour que ce changement se fasse de manière réfléchie, et non au détriment de la santé des résidents et du personnel, il interviendra après la concertation des Régions avec les acteurs de terrain. À Bruxelles, “l’interdiction reste a priori la règle”, insiste Pascal Devos, le porte-parole du ministre bruxellois de la Santé Alain Maron, même si des exceptions “sous conditions” sont en discussion avec les maisons de repos. Bien que son application prendra du temps, le cabinet soutient la mesure du Conseil national de Sécurité. “L’isolement des personnes âgées est un vrai problème qui, si on n’y prête pas attention, pourrait devenir une menace aussi importante que le virus lui-même”, alerte le porte-parole. “Qu’il faille faire quelque chose, personne ne le nie. Les personnes âgées en expriment le besoin, les familles aussi. Mais actuellement les maisons de repos font face à des difficultés qu’il faut d’abord pouvoir résoudre.” Avant les visites, la priorité reste pour l’instant le dépistage “qui absorbe déjà pas mal d’énergie” dans les maisons de repos.