Du VIH dans le Covid? La thèse de Luc Montagnier contredite par la communauté scientifique

Le prix Nobel de médecine, connu pour son rôle dans la découverte du VIH, a lancé une véritable bombe médiatique en affirmant que le Covid-19 était d’origine artificielle. Clou du spectacle : le virus du sida, aurait été, selon lui, utilisé pour créer ce nouveau coronavirus. La riposte des autres virologues a été immédiate. Voici pourquoi la piste de Luc Montagnier est plus que contestable.

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L’animateur de CNews, Pascal Praud, se nourrit de polémiques et a été à nouveau servi. Cette semaine, il a accueilli sur son plateau le virologue Luc Montagnier, récompensé en 2008 par le prix Nobel pour la découverte du VIH. Coutumier des controverses, comme pour son opposition aux vaccins et son soutien à la théorie de la mémoire de l’eau, le chercheur a remis le couvert.

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Cette fois-ci, il reprend les conclusions d’une étude indienne qui affirmerait que le coronavirus responsable de la pandémie actuelle aurait en commun une partie de son génome avec celui du virus du sida. De là, il estime que le coronavirus viendrait d’un laboratoire, probablement situé à Wuhan, qui aurait abouti à la création du Covid-19 via l’utilisation du VIH. Les complotistes et certains politiques d’extrême-droite se sont immédiatement emballés pour cette nouvelle. Mais la communauté scientifique ne manque pas de battre en brèche cette théorie jugée « farfelue ».

Une étude très fragile

Le premier élément qui affaiblit cette théorie, c’est que l’étude indienne a été publiée dans une revue avant d’être relue par des pairs. Aucune confirmation n’a donc été apportée. De plus, il s’agissait d’une pré-publication et non d’un compte-rendu final. La piste exploitée par Luc Montagnier est donc tout à fait incertaine depuis ses fondements même. Sur ce point, le virologue se défend en disant que l’étude a été étouffée par l’éditeur de la revue (mais sans apporter de preuve à son affirmation).

Mais même en supposant que cette publication s’avérerait vraie, est-ce que cela changerait quelque chose ? Le papier en question pointe qu’une vingtaine de bases (les fameuses quatre lettres qui retranscrivent le génome) serait commune au VIH… sur les 30.000 que le coronavirus compte au total. Or une ressemblance aussi faible trouverait un équivalent entre le virus et un nombre incalculable d’autres organismes.

« Tout matériel génétique a des ressemblances avec d’autres. Par exemple, près de 20% du matériel génétique humain a une origine virale », pointe David Alsteens, professeur au Louvain Institute of Biomolecular Science and Technology de l'UCLouvain. « Mais surtout, ce que l’on voit, c’est que l’on a ici un coronavirus typique. Ça n’a pas de sens de parler de l’importance d’une partie du génome qui serait en commun avec le VIH puisque l’on a ici un mode d’action bien défini comme étant celui des coronavirus. Le virus du sida a un fonctionnement totalement différent qui ne se retrouve pas ici ».

L’origine naturelle du virus bien mieux appuyée par la recherche

La comparaison n’a donc pas lieu d’être. Les chercheurs continuent de chercher l’origine exacte du coronavirus, mais l’hypothèse d’une émergence naturelle est la plus solide. « Quand on a 95% de similitudes entre le coronavirus trouvé chez l’homme et chez la chauve-souris et le pangolin, on peut estimer que l’origine est commune. Quant aux 5% restants, ils sont inévitables. Tout génome évolue et cela existera toujours », précise David Alsteens

Ce dernier juge a contrario très improbable une création en laboratoire, même si on pourrait en théorie manipuler un génome viral en laissant peu de traces, voire pas du tout. « On peut créer des virus en laboratoire, c’est d’ailleurs comme cela que l’on crée des vaccins en affaiblissant leurs matériels génétiques. Mais je n’ai jamais entendu parler de virus créés en labo qui seraient plus puissants que l’original. La volonté d’avoir un virus aussi dangereux ne passerait pas les contrôles d’éthique et autres ».

Dernier élément en date : le laboratoire de Wuhan soupçonné par Luc Montagnier d’avoir créé le coronavirus nie toute action en ce sens. « Les gens ne peuvent pas s’empêcher de faire des associations », a déploré son directeur en dénonçant une théorie du complot « entièrement basée sur des spéculations » et sans « preuves ».

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