

Un étudiant, ça étudie. Et ça ne gagne pas spécialement d'argent, ou pas beaucoup. Du coup, durant une crise comme celle que nous vivons, la situation des étudiants jobistes ne nous vient pas spontanément à l'esprit. Et, apparemment, pas non plus à celui des autorités.
Pour beaucoup, les problèmes des étudiants se concentrent uniquement sur des aspects scolaires. Et effectivement, il y en a. On en parle assez depuis quelques semaines pour qu'ils imprègnent l'actualité. Et cela ne va pas s'arranger, les examens approchant. Mais c'est oublier qu'une partie d'entre eux triment toute l'année pour payer leurs études, leur matériel, leur logement, leurs loisirs... Avec le confinement, ils ont perdu leur principale source de revenu.
Lucie, qui termine son master en arts du spectacle à l'UCLouvain, en avait quatre. Elle gardait une jeune fille handicapée et gérait le bar d'une salle de concert tout en travaillant dans un cinéma et un magasin de jouet. Du jour au lendemain, tout s'est arrêté. "J'ai la chance de vivre encore chez mes parents, mais je comptais sur l'argent gagné pour m'installer après la fin de mon master. Mais il est déjà certain que la salle n'ouvrira plus de la saison et le cinéma, on ne sait pas. Il y a un manque à gagner important et c'est de l'argent qu'on ne récupérera pas du tout." Lucie reconnait cependant ne pas être la plus à plaindre. "J'ai mes parents derrière. Mais une de mes potes boursière, par exemple, avait l'habitude de louer ses livres à la bibliothèque parce qu'elle n'avait pas les moyens de les payer au prix plein. Aujourd'hui, elle doit les commander sur Internet et c'est très cher..."
Faisant son bachelier à Namur sans être de la région, Juliette se devait, elle, de prendre un kot. Et comme Lucie, elle jonglait avec plusieurs jobs étudiants. "Je travaillais dans un bar à Namur la semaine, puis dans un centre aquatique le week-end. Soit les deux secteurs qui ont fermé en premier et qui rouvriront en dernier... J'ai un bail jusqu'à la fin du mois d'aout, mais je n'aurai plus de rentrée d'argent d'ici là."
Les solutions imaginées à la va-vite ne sont pas réellement viables pour Juliette. "Notre proprio a proposé de sous-louer l'appart à des membres du coprs hospitalier, mais c'est compliqué de vider notre chambre comme ça. Ça a été tellement rapide et imprévisible. Je pense qu'il n'y a pas vraiment de solutions et qu'il faut juste attendre."
Des aides existent cependant. Valérie, étudiante à la fac ESPO à Louvain-la-Neuve et qui bosse pour l'université, espère pouvoir en profiter. "J'ai vu que l'UCL débloquait des fonds pour aider les étudiants. Mon dossier est en attente mais je pense que ça passera." Elle a, en plus, eu la chance de tomber sur un propriétaire compréhensif au point de laisser tomber un mois de loyer. "J'ai dû arrêter de bosser parce que le télétravail n'était pas possible pour mon boulot. Quand j'ai contacté mon proprio pour discuter des charges, il m'a dit que je ne devais pas payer le loyer..." Ce qui n'empêche pas le stress de la perte de revenu. "Je paie tout avec ce que je gagne, je refuse de demander à mes parents. C'est mon choix mais du coup, je suis dans la merde."
Actuellement, Lucie reste attentive aux offres d'emploi qui pourraient apparaitre et sur lesquelles tous les étudiants risquent de sauter. "Mais je dois être honnête, sans jugement de valeur, j'attends autre chose qu'un job de caissière chez Delhaize. Je l'ai déjà fait mais entre-temps, j'ai eu des boulots plus valorisés. Mais quel employeur va accepter de me prendre deux mois pendant les vacances alors que je perds mon statut d'étudiante fin aout ? Surtout à Louvain-la-Neuve où c'est mort l'été. C'est le stress parce que d'ici à ce que je trouve un vrai job, j'ai pas un centime qui rentre. Pour moi, il faudrait que les employeurs prévoient d'engager plus d'étudiants jobistes que d'habitude et mettre en place une plateforme qui recense toutes les offres d'emploi. Sinon on va tous se ruer sur la même."
Au sentiment d'abandon qui se fait parfois ressentir s'ajoute l'angoisse de la session d'examens. Une sorte de double peine pour ces étudiants obligés de survivre avec ce qu'il leur reste et de chercher une autre source de revenu tout en préparant le blocus. "Cela rajoute de la charge mentale", commence Valérie. "On envoie nos CV un peu partout alors que l'on devrait être en train de se préparer pour nos examens. Lors du déconfinement, on alternera les blocus avec des heures de travail que l'on doit rattraper. J'ai peur que tout cela ne soit pas pris en compte par les profs."
Des craintes partagées par Juliette. "Pour bien étudier, les élèves ont besoin de matériel et surtout d'un environnement propice à l'étude. Personnellement, j'ai dû retourner chez mes parents. Mais j'ai du mal à y étudier avec le bruit de ma petite sœur. Dans une année académique, il n'y a pas vraiment de bonne période pour qu'une situation pareille apparaisse mais là, c'est clairement la pire..."