« Nous vivons une pandémie de violences conjugales depuis des années »

Soutenues par Philippe Geluck et Khadja Nin, les associations exhortent le fédéral à prendre ses responsabilités dans la lutte contre les violences conjugales. 

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Les acteurs du terrain tirent la sonnette d'alarme depuis le début du confinement. Ce maintien au domicile aggrave les situations où s’exercent déjà des violences conjugales et intrafamiliales, et risque d'en créer de nouvelles. « Le confinement appuie les stratégies de domination des auteurs de violences: l'isolement, le contrôle des déplacements et la peur, analyse Céline Caudron, coordinatrice nationale de Vie Féminine. Vu que les auteurs sont renforcés dans leur stratégie, les situations vont devenir de plus en plus dangereuses. Aujourd'hui, on risque davantage de passer à des violences physiques et sexuelles graves. »

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Pour lutter contre l'augmentation ces violences, des mesures ont été mises en place par les régions et les communautés au sein d’une task force. La ligne d'Écoute Violences Conjugales a été renforcée, des campagnes de sensibilisation ont été lancées, des places d’accueil ont été ouvertes… « Mais c'est encore largement insuffisant », regrette Céline Caudron.

Khadja Nin et Philippe Geluck montent au front

Quarante associations, dont Vie Féminine, réclament désormais au gouvernement fédéral « un plan d'action national de lutte contre les violences conjugales ». Pour les accompagner dans leur tâche, elles peuvent compter sur des porte-voix de taille, Khadja Nin et Philippe Geluck. Les deux artistes ont spontanément proposé leur aide afin de mettre en lumière cette cause qui leur est chère. « Les victimes doivent être protégées par tous les moyens. Les agresseurs doivent être lourdement sanctionnés, éloignés de leurs victimes et soignés, lance le dessinateur. Tout cela demande certes des budgets, mais l’urgence est telle qu’il faut les allouer sans attendre. Notre civilisation ne peut s’enorgueillir de sauver des vies face à la pandémie et laisser mourir des mamans, des compagnes et des enfants sous les coups assassins d’hommes enragés ». Car les victimes de violences conjugales désignent également ces enfants, témoins ou battus eux aussi par un parent, avec toutes les conséquences psychologiques que cela engendre. « Les violences conjugales sont des tragédies qui ne laissent derrière elles que des familles dévastées et des enfants orphelins d’une mère tuée par leur père. Comment grandir et se construire après cela  Les enfants ne sont pas que des témoins. Ils sont aussi les premières victimes de cette violence », regrette la chanteuse engagée.

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© Philippe Geluck

Cinq mesures urgentes

« Jusqu'ici le fédéral n'a rien fait du tout pour lutter contre les violences faites aux femmes. Il faut qu'il prenne ses responsabilités », accuse la coordinatrice nationale de Vie Féminine. En vertu des pouvoirs spéciaux de l'exécutif, les associations réclament des mesures « immédiates et pérennes » afin de garantir enfin le plein respect de la Convention d'Istanbul, datant de 2016. Concrètement, les acteurs du terrain demandent:

  • Une politique globale, cohérente, coordonnée entre tous les niveaux de pouvoir, financée avec des fonds fédéraux à la hauteur des enjeux.
  • Une protection efficace de toutes les victimes, femmes et enfants, ce qui implique des directives claires et contraignantes au niveau de la justice et des service de police, et des moyens pour les appliquer. 
  • Une prise en charge des auteurs de violences conjugales pour éviter des récidives.
  • Une politique de prévention, dans plusieurs domaines (médias, santé, enseignement, économie, sports, culture, éducation). 
  • Une attention particulière consacrée aux femmes et enfants les plus vulnérables (sans papiers, en situation de handicap, qui ne parlent pas français...)

« Protéger nos vies plutôt que le profit » 

En cette période de confinement, les besoins qui étaient déjà criants auparavant sont encore plus exacerbés. « Ils auraient dû mettre en place ces mesures il y a des années. Nous sommes face à une urgence sociale », insiste Céline Caudron. En Belgique, 25% des femmes vivent ou ont vécu des violences conjugales dans les quinze dernières années, selon une étude européenne de 2014. Chaque jour qui passe, des dizaines de milliers de femmes sont à la merci de leur agresseur. « C'est énorme! Qu'est-ce qu'on veut de plus? Nous vivons une pandémie de violences conjugales depuis des années, et il n'y a jamais rien qui se passe », regrette la militante qui a surtout peur de l'après confinement. 

Si les lignes d'écoute surchauffent - le nombre d’appels au 0800/30.030 a triplé -, c'est surtout grâce à des demandes particulières de proches inquiets. « Et c'est très bien, c'est aussi le rôle de cette ligne d'écoute. » À côté de ça, l'association n'observe pas une « explosion de sollicitations. Ce serait même le contraire. Plein de femmes se retiennent aujourd'hui de fuir ou d'appeler à l'aide, en disant que le confinement va passer » ou par peur de contracter le virus. « Quand ce sera fini, lorsque ces femmes pourront sortir de chez elles, on craint une augmentation de ces sollicitations. » Alors que le confinement révèle différentes injustices sociales, Vie Féminine demande aux citoyens et aux mouvements sociaux de faire pression « pour changer la direction de la société », qui viserait ainsi à « protéger nos vies plutôt que le profit ».

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