Le plastique, grand gagnant de la crise sanitaire?

D'ennemi public numéro 1, le plastique à usage unique est devenu aujourd'hui un allié indispensable dans la lutte contre le Covid-19. Mais à quel prix?

des gants et un masque, les nouveaux accessoires en plastique en cette période de pandémie

Avant la crise, la lutte contre le plastique à usage unique venait de franchir un pas supplémentaire en Belgique. Depuis le 1er mars dernier, l'usage des sacs en plastique composés à 40% de matériaux biosourcés et compostables pour les fruits et légumes est interdit en Wallonie. Les couverts, touillettes, pailles, gobelets et tasses en polystyrène expansé suivront la même sentence dès le 1er janvier 2021. Aujourd'hui, ces efforts paraissent toutefois bien vains face au retour en force du plastique à usage unique en cette période de pandémie. Celui qu'il fallait bannir de notre quotidien se retrouve désormais dans bon nombre d'objets essentiels à la gestion de la crise sanitaire. Des masques aux tubes utilisés pour les tests, en passant par les gants, les surblouses, les visières et les vitres en plexiglas, la consommation de plastique a explosé, tant au niveau hospitalier qu'au niveau domestique.

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Indispensable dans les équipements de protection individuelle dédiés au personnel soignant, le plastique a également regagné du terrain au niveau domestique, grâce notamment à la forte hausse des livraisons pendant le confinement, à la préférence injustifiée des citoyens pour les fruits et légumes suremballés et, plus largement, à la chute du prix du pétrole. Face à cette opportunité, les lobbys du plastique ont utilisé l'argument sanitaire à leur avantage, comme aux Etats-Unis par exemple, où l'association des industries plastiques a réclamé une dérogation pour autoriser la commercialisation de sacs à usage unique, par mesure de prévention sanitaire. Et ce, en dépit des études prouvant que le virus survit moins facilement sur les tissus et le carton. Nathalie Gontard, ingénieure à l'Institut français de la recherche agronomique, explique cette contradiction auprès de Usbek et Rica, avec l'image « pratique, peu chère et hygiénique » que l'on nous a vendue du plastique.

L'incinération des déchets, l'autre pollution

À ces trois adjectifs, on ne pourra toutefois jamais ajouter écologique. L'explosion de la consommation de plastique s'est d'ailleurs, en toute logique, accompagnée d'une hausse de ses déchets. Au niveau hospitalier, la quantité de déchets médicaux produits est astronomique. En France, ils ont bondi de 40 à 50%. En Espagne, rien que pour la région des Asturies, ils sont évalués à 185 tonnes sur le seul mois d’avril. En Chine, au pic de l'épidémie, les hôpitaux de la région de Wuhan ont vu leurs déchets médicaux multipliés par six. Un désastre écologique, d'autant qu'une partie de ces résidus ne sont pas recyclés, voués à la décharge ou à l’incinération. « Nous devons nous interroger sur le risque environnemental de ces procédés. Si les conditions optimales pour l’incinération de déchets à forte teneur en plastique ne sont pas réunies, des émissions de composés cancérigènes tels que les dioxines et les furannes pourraient être générées », alertait récemment Ethel Eljarrat, scientifique espagnole au sein de l'Institute of Environmental Assessment and Water Research (IDAEA).

des déchets médicaux, en forte hausse depuis le début de la pandémie de coronavirus

© BELGA IMAGE / Hao Yuan

Même constat sur le plan domestique, où le confinement a temporairement bouleversé la collecte des déchets. À Bruxelles, par exemple, les détritus étaient tous incinérés, sans passer par la case tri, jusqu'à lundi dernier, date d'un retour à la normale des services de Bruxelles Propreté. 

Les masques, les nouveaux mégots

Après l'absentéisme dû au coronavirus, les éboueurs doivent désormais faire face à un autre fléau, amplifié depuis le début du déconfinement, celui des masques et des gants jetés par terre. Cette nouvelle pollution sur la voie publique est un danger pour ces travailleurs en première ligne, mais aussi pour les passants, notamment les enfants. Il n'existe qu'une seule manière pour s'en débarrasser: jetez-les dans un sac dédié, résistant, conservez ce dernier, bien fermé, pendant 24 heures avant de le placer dans la poubelle des ordures ménagères. D'autant qu'un masque chirurgical met 450 ans à se décomposer dans la nature, contre un ou deux ans pour un mégot de cigarette.

un masque par terre

© BELGA IMAGE / Christina ASSI

Une autre solution est bien sûr de remplacer ces masques jetables par des masques en tissu, à condition qu'ils ne soient pas composés de polyester.

Trouver des alternatives

Alors que la société avait pleinement pris conscience des problèmes environnementaux induits par le plastique avant la crise, la pandémie a bouleversé nos priorités. Face à l'urgence sanitaire, l'option plastique s'est présentée comme la plus rapide et la plus pratique, sans penser aux conséquences sur le long terme. « Pour des raisons d’hygiène et de santé, il est évidemment impossible d’interdire le recours aux plastiques à usage unique pendant l’état d’urgence sanitaire. Mais il est essentiel d’éviter qu’une fois la crise résolue émerge un problème environnemental majeur », avertit la scientifique espagnole Ethel Eljarrat. La réflexion aujourd'hui doit se tourner vers des alternatives réutilisables et recyclables, tout en assurant la sécurité de ses utilisateurs. Sous peine de se noyer dans cet océan de plastique qui ne cesse de grandir.

Masks On Beach from Gary Stokes on Vimeo.

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