
« N’oublions pas les enfants » : le message des pédiatres belges

Ce mardi matin, alors que la majorité des enfants de 6e primaires ont pu retrouver leurs classes malgré ce contexte particulier, un large réseau de 269 pédiatres belges, wallons, bruxellois et flamands, issus d’université, d’hôpitaux et de pratiques privées, ont tenu à faire part de leur inquiétude dans une carte blanche.
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Pour eux, c’est clair : « même si on parle beaucoup d’eux, dans les faits les enfants sont les oubliés du déconfinement ». Ces spécialistes de la santé des plus petits pensent à tous ceux en maternelle et primaire qui ne sont pas rentrés à l’école ce lundi. « Mais alors qu’y a-t-il de prévu pour eux ? Quel est le plan B ? », demandent-ils.
« Il n’y a pas vraiment de solutions pour les autres », commente Dimitri Van der Linden, pédiatre infectiologue aux Cliniques universitaires Saint-Luc et un des signataires de cette lettre. « On aimerait que les politiques, les experts se réunissent autour de la table pour trouver une alternative à l’absence d’école ».
Le fond de cette carte blanche est assez clair : il n’y a pas que le côté pédagogique de l’école qui compte. Au contraire, toute sa dimension sociale, affective et psychologique est aussi très importante pour l’enfant.
C’est notamment pour cela que ces pédiatres plaident aussi pour que les mesures sanitaires de cette rentrée partielle ne soient pas poussées à l’extrême. « Il faut que les enfants puissent interagir et jouer avec leurs camarades de classe normalement, tout en restant dans leur bulle sociale. C’est important pour leur développement psychomoteur et leur santé mentale. Se regarder dans le blanc des yeux à 1m50 de distance, ce n’est pas ça l’école. »
Au final, le message est simple : les enfants doivent être déconfinés comme le reste de la population, et cet été aussi. « Les experts doivent aussi réfléchir à l’organisation de camps, de stages d’été et d’autres alternative à l’école. Il faut trouver des solutions avec un équilibre entre l’aspect sanitaire et le bien-être social. »
Un petit risque à prendre
Toutes les suggestions et conseils de ce groupement de pédiatres partent d’un principe assez simple : les bénéfices apportés par ce déconfinement des enfants, ce retour à l’école vont bien au-delà du risque minime pour la santé.
« Il y a des choses que nous pouvons affirmer avec certitude : l’enfant est moins malade que l’adulte », précise le docteur Van der Linden. « C’est comme ça partout depuis le début, en Chine, en Italie… 1% des patients hospitalisés sont des enfants et la majorité d'entre-eux est peu malade. Parmi ceux qui sont vraiment symptomatiques, on n’a très très peu de décès. On peut donc rassurer sur l’aspect maladie de l’enfant. »
Concernant la propagation du virus, c’est moins clair. « Il faut être prudent sur cette question. Des choses ne sont pas encore totalement comprises notamment la transmission adulte vers enfant, enfant vers adulte et enfant vers enfant. »
Face à ces incertitudes, ces spécialistes recommandent d’adopter une position claire : traiter les enfants comme les adultes. « Un enfant qui sera malade sera exclu de la collectivité, examiné, testé et s’il est positif, il sera mis en quarantaine avec sa famille. La vigilance doit être la même pour tout le monde. Le côté humain est important dans ce déconfinement. On ne peut l’imaginer sans les enfants présents. Si on pense à la société en tant que système global, c’est un très petit risque nécessaire au bien de tous. »
Des structures d’accueil
Remettre l’enfant au centre des discussions, un souhait que manifeste Bernard De Vos, délégué général aux Droits de l’Enfant, depuis plusieurs semaines. « Cette carte blanche est la bienvenue », commente-t-il. « J’ai discuté récemment avec mes homologues européens et l’opinion des pédiatres belges est partagée internationalement. Je ne suis pas expert de la santé, mais du point de vue de la santé mentale des enfants, je suis peut-être plus apte à parler du sujet. Ce confinement des enfants pourrait avoir des effets collatéraux pendant encore longtemps. »
Partisan d’un retour à la normale qui inclurait les plus jeunes, il propose d’organiser des structures d’accueil pour les enfants en extérieur. « L’idée est de rassembler une série d’acteurs dans le monde de l’éducation : écoles, éducateurs de rue, AMO, maisons de jeune et autres pour organiser un accueil des enfants. Quelque chose avec une approche globale qui porterait sur les compétences cognitives, comme l’école, mais aussi sur le socio-affectif, l’axe physique, etc. Une prise en charge bienveillante en plein air. »
Une solution qui pourrait faire office de plan B pour tous ces enfants actuellement déscolarisés. « On reçoit pas mal de témoignages de gamins qui ne vont pas bien. Dans certaines villes, certains quartiers, 15-20% des enfants n’ont plus eu de contact avec leur école depuis des semaines. Il y a des situations familiales compliquées, des problèmes socio-économiques, parfois d’alimentation ou de violences… Avec ce projet, on ferait ressortir les enfants, fréquenter d’autres enfants, d’autres adultes que leurs parents, c’est la reprise d’une vie en collectivité pour eux aussi. » Une idée déjà en chantier à Charleroi ou Ixelles, entre autres, et qui se voudra complémentaire à l’école, aux stages ou aux camps.
Une alternative qui permettrait aussi de préparer la vraie rentrée de septembre au mieux. « On imagine qu’il faudra encore garder des distances et que les enfants n’iront pas à l’école tous les jours. Ce retour en classe de mai et ces projets complémentaires permettront d’obtenir l’avis des enfants. Ils ont le droit de participation. Qu’on ne réfléchisse pas à septembre sans eux ! »