Grâce aux réseaux, les hôpitaux seront-ils mieux préparés lors de la prochaine crise?

Il était trop tôt pour que la réorganisation en réseau du système hospitalier belge effective depuis le 1er janvier, mais pas encore vraiment mise en œuvre en pratique, puisse montrer son efficacité dans cette crise du Covid-19. À l'avenir, ce système nous permettra-t-il d'être plus performants ? Pas sûr.

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Sous l'impulsion du gouvernement Michel 1er et de la ministre de la Santé Maggie De Block, une réforme du système hospitalier en Belgique a été initiée. L'idée est, sur papier, intéressante. Le secteur est en pleine mutation à cause du vieillissement de la population, du boom des maladies chroniques, des nouvelles technologies médicales toujours plus chères et des traitements personnalisés. Créer des réseaux pourrait donc permettre de répondre à ces défis, en partageant certains coûts importants et créant des synergies entre établissements. Ainsi à terme (ça aurait dû être prêt au 1er janvier), 25 réseaux existeront en Belgique. La Région wallonne est un peu plus avancée que les autres.

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Difficile de savoir si la crise sanitaire du Covid-19 aurait pu être mieux gérée si les réseaux avaient été constitués plus rapidement. Les sept directeurs d'hôpital que nous avons interrogés avancent avec prudence. "Après réflexion, vue la situation très complexe actuelle, nous préférons éviter de parler des réseaux", se rétractera par e-mail un manager francophone après une longue conversation téléphonique sur le sujet. Sa réponse était pourtant riche d'enseignements : "Est-ce la mise en réseau permettrait de faire mieux ? Le problème du monde hospitalier est qu'on a été en concurrence depuis toujours. Du jour au lendemain, on nous demande de travailler ensemble en continuant à tenir compte des résultats de notre propre institution. Dans l'état actuel des choses, la mise en œuvre de ces réseaux est extra-light. On va se voir deux ou trois fois par an pour discuter de synergies possibles. On n'en est pas au stade où on se dit : dans ton hôpital, on investit sur la cardio et dans le mien dans la maternité. On se rend compte que c'est compliqué de  faire ça tant qu'on n'a pas un compte de résultat global. En effet, la cardio est super rentable. La maternité, pas tellement. Bref, plus personne ne voudra de maternité ou de gériatrie."

De nouveaux investissements à court terme

Un autre directeur s'accorde : "Concernant les crises sanitaires, les réseaux pourraient au contraire empirer la situation, du moins dans un premier temps, car ça demande de nouveaux investissements et implique donc des hôpitaux en plus grande difficulté financière, potentiellement avec moins de personnel – pas forcément soignant, mais au moins administratif - si on fait des synergies. De plus, actuellement, deux hôpitaux en concurrence peuvent vouloir investir dans une même technologie très coûteuse. Demain, avec les réseaux, on pourrait en acheter qu'une seule. Ce qui pourrait ralentir l'accès à certains soins. Tout dépendra de comment ces réseaux sont effectivement mis en œuvre."

Arnaud Dessoy, coordinateur des analyses MAHA sur la santé financière des hôpitaux publiées chaque année par Belfius commente plus librement : "Les réseaux ne vont pas régler d'un coup de baguette magique toutes les difficultés des hôpitaux. De plus, dans un premier temps, cela va impliquer des coûts. Les hôpitaux ont des systèmes informatiques différents. Pour que ça fonctionne, il faudra tout coordonner en termes de gestion. Il faudra uniformiser certains outils pour bien communiquer entre les établissements membres de ces réseaux. Pour l'instant, on a un peu une coquille vide." Le directeur général de la fédération patronale d'institutions de soins de santé wallonnes et bruxelloises du secteur public et privé non-confessionnel (Santhea) Yves Smeets va dans le même sens : "La mise en réseau des hôpitaux est à un état embryonnaire. Quand on démarre ce genre d'opération, ça demande des coûts supplémentaires. Un simple exemple : on doit avoir un médecin chef des différents hôpitaux. C'est une personne en plus qu'il faut payer et pour lequel nous n'avons pas reçu un seul euro. Et ça ne va pas forcément générer des économies d'échelle, du moins pas immédiatement." Des frais supplémentaires qui inquiètent particulièrement après cette crise du Covid-19 qui coûterait, selon les premières estimations, plus d'un milliard d'euros à l'ensemble du secteur hospitalier.

Moins de concurrence malsaine

Si la mise en œuvre est bien faite, ces réseaux peuvent toutefois avoir du bon. Le réseau Vivalia de la province du Luxembourg est probablement le plus abouti. Son directeur Yves Bernard y voit clairement un intérêt : "Au niveau de l'idée et de la collaboration interhospitalière c'est une excellente chose. En province du Luxembourg, nous avons anticipé les réseaux il y a 10 ans, car nous avons fusionné les intercommunales qui géraient les hôpitaux publics de la province – et nous n'avions que des hôpitaux publics – pour créer une seule entité juridique. Maintenant, il y a la partie collaboration entre les réseaux. Ça ne peut être qu'une bonne chose car ça permet de concentrer les moyens, centraliser les investissements et faire en sorte qu'on n’investisse pas deux fois la même chose dans des rayons assez proches en termes de technologie de pointe. Ça évitera la concurrence malsaine que certains hôpitaux peuvent avoir."

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