Le retour à l'école ne fait pas l'unanimité

Le déconfinement se poursuit en Belgique avec, ce mardi matin, la réouverture des écoles maternelles. Un soulagement pour certains parents, un risque inutile pour d'autres, un mois avant les grandes vacances. Surtout que ce retour en classe pourrait n’avoir aucun effet sur la lutte contre les inégalités. 

Retour à l'école pour les maternelles ce mardi - BELGA PHOTO/THIERRY ROGE

Comme beaucoup de parents, Pauline hésite. Encore ce mardi matin, jour du retour sur les bancs de l'école maternelle, cette mère de deux enfants, de 2 ans et demi et 4 ans, est « en plein questionnement ». « J'ai peur pour mon fils qui a des problèmes d'asthme. Il devait faire sa rentrée le 25 mai, mais lui, j'ai repoussé d'office jusqu'à septembre », explique-t-elle, regrettant un manque de communication à l'égard des personnes à risque. « J'aurais aimé que ma fille retourne à l'école pour revoir ses copains et surtout pour son néerlandais. Je ne veux pas qu'elle le perde, étant donné qu'elle est dans une école néerlandophone. Mais en même temps, je suis contre parce que j'ai peur qu'elle revienne avec le Covid et le refile à son frère. » Un véritable casse-tête pour cette maman qui a préféré les garder à la maison ce mardi.

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Cette rentrée est toutefois bien accueillie par certains parents, qui ont dû jongler entre les enfants et le télétravail pendant deux mois et demi. Rassurés par l'avis des scientifiques quant à la transmission dorénavant « peu probable » du coronavirus par les enfants, ils se réjouissent de voir leur progéniture retrouver une vie sociale. Pour d'autres, c'est un non catégorique. Il faut dire que les changements de discours et de stratégie alimentent leurs inquiétudes. Mercredi dernier, tard en soirée, l'annonce d'un retour massif sur les bancs de l'école était pour le moins inattendue. De (presque) rien, les écoles passent désormais à (presque) tout. Ce revirement soudain en a étonné plus d'un, tout comme l'assouplissement des conditions. En maternelle, le port du masque et le respect des distances de sécurité ne sont pas nécessaires. « Ça n'a pas de sens. C'est comme si le virus était parti. Or, il n'en est rien », lance Pauline. 

Une décision « précipitée et non-concertée »

Ce changement de cap à dix jours d'écart a suscité l'incompréhension et l'exaspération du côté d'un corps enseignant déboussolé et des syndicats. La CSC a dénoncé la « précipitation et la difficulté de pouvoir, en si peu de temps, organiser le retour correct des élèves », tandis que la CGSP-Enseignement a annoncé vendredi avoir déposé un préavis de grève couvrant toute action de ses affiliés du 2 au 5 juin.

Distribution de gel désinfectant dans une classe

© BELGA IMAGE/THIERRY ROGE

Sur le fond, les acteurs de l’enseignement sont favorables à un retour des élèves à l'école, mais nombreuses sont les directions qui dénoncent des décisions prises hâtivement et sans concertation. « La rupture de confiance entre les écoles et le ministère est totale », lance le directeur au Collège Cardinal Mercier, à Braine-L'Alleud, Bruno Hendrickx, dans une carte blanche. « Comment est-il possible que les directions découvrent dans la presse, en même temps que les parents et les enseignants la circulaire définissant les futures consignes organisant les écoles? Quel manque total de politesse et de respect. J’en reste sans voix. »

Même son de cloche du côté de certains enseignants. « Il y aurait eu moyen de faire les choses de façon plus concertée et respectueuse avec les acteurs de terrain. Il aurait fallu un peu plus de temps pour réfléchir à une organisation moins anxiogène, moins floue, moins brouillonne. Pourquoi cette précipitation? D'autant plus que pédagogiquement l'intérêt reste très faible et les moyens de socialisation peuvent être autres que scolaires », confie une institutrice en première année primaire, qui a lancé une pétition contre le changement de stratégie dans les écoles. « On dit faire attention aux peurs actuelles des parents et enseignants mais on les accentue en enlevant presque toutes les mesures mises en place précédemment. »

Pas d'obligation

Pour tenter de temporiser ce débat brûlant, la ministre de l'Education Caroline Désir a rappelé qu'il n'y avait aucune obligation, tant du côté des parents que de la direction. « Nous donnons aux écoles qui sont en capacité de le faire, la possibilité de rouvrir plus largement l'accès à tous les élèves, dans un but aussi de renforcer l'égalité entre tous, car le confinement a creusé les inégalités. » Mais cette suspension de l'obligation scolaire pourrait bien avoir l'effet inverse, avertit l'institutrice. « Il y a de fortes chances que les enfants en situation difficile ne reviennent de toute façon pas. Une partie de l’objectif sera donc raté. »

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