

Les individus ne présentant aucun symptôme sont-ils malgré tout contagieux? C'est l'une des questions essentielles de cette pandémie. Alors que les experts répètent le rôle non-négligeable de ces porteurs sains depuis le début de la crise, l'OMS est venu semer le doute cette semaine. Lundi, Maria Van Kerkhove, responsable technique de la cellule chargée de la gestion de la pandémie, a déclaré que la propagation du Covid-19 par une personne asymptomatique semblait « très rare ». Coup de tonnerre.
Largement relayés sur les réseaux sociaux, ces propos n'ont pas manqué d'irriter la communauté scientifique, mais aussi les citoyens qui ont rapidement remis en question le port du masque et même le confinement. Avec cette simple phrase à contre-courant, l'OMS a suscité la surprise et l'incompréhension. Tout simplement parce que les communications officielles et de multitudes études (même récentes) indiquent le contraire depuis des mois. « Contrairement à ce que l'OMS a annoncé il n’est pas scientifiquement possible d’affirmer que les porteurs asymptomatiques de SARS-CoV-2 sont peu contaminants », a ainsi affirmé le professeur Gilbert Deray, médecin à l'hôpital Pitié-Salpêtrière à Paris, sur son compte Twitter.
Pour Yves Van Laethem, porte-parole interfédéral de la lutte contre le coronavirus, il faut encore et toujours considérer les patients asymptomatiques comme des contaminateurs silencieux. « Le pourcentage d'asymptomatiques est quand même conséquent. On parle de 20, 30, 40%... Différents chiffres circulent. Ils ont donc clairement été impliqués dans des chaînes de transmission », explique l'infectiologue au CHU Saint-Pierre. C'est plutôt l'intensité de cette transmission qui reste un mystère. « Transmettent-ils avec autant d'efficacité qu'un malade? Ce n'est pas clair. »
24 heures après sa déclaration controversée, Maria Van Kerkhove a invoqué « un malentendu » et souhaité apporter une « clarification ». En utilisant l'expression « très rare », il fallait comprendre, d'après elle, une référence à une petite série de données non soumises à révision, et non à une position formelle de l'OMS. Une clarification aux allures de rétropédalage maladroit. Dans un nouveau point en direct, la scientifique a ajouté que les patients asymptomatiques transmettent moins le virus que les personnes « pré-symptomatiques », à savoir lorsque les symptômes ne se sont pas encore manifestés.
« Elle n'a sans doute pas tort », réagit Yves Van Laethem, prenant toutefois des pincettes. Contrairement au SARS-CoV-1 de 2003, « les patients émettent le plus de virus lorsqu'on ne les a pas encore reconnus comme étant malades », soit deux à trois jours avant l'apparition de symptômes. « Il est probablement exact de dire que les personnes qui resteront asymptomatiques libèrent moins de virus que ceux qui vont exploser 24 heures plus tard. »
Depuis, les critiques à l'égard de l'OMS, qui n'en est pas à son premier couac, se multiplient. « Depuis début février, nous disons que les personnes asymptomatiques peuvent transmettre le Covid-19, mais que nous avons besoin de plus de recherches pour établir l’étendue de la transmission asymptomatique », a clarifié récemment Tedros Adhanom Ghebreyesus, Directeur général de l'OMS. « Le Covid-19 est un nouveau virus et l'OMS apprend tout le temps », a-t-il ajouté, plaidant l'humilité. Pour Yves Van Laethem, ce dernier épisode « ne fait qu'alimenter le nombre de cafouillages de par le monde qu'il y a eu lors de cette pandémie ». L'expert vise ainsi également nos politiques. « Ils ont fait pire. »