

C’est un autre virus, bien plus ancien que le SARS-CoV-2 mais tout aussi virulent : la faim. Celle qui tord le ventre, celle qui freine le développement des enfants. Et celle qui tue. Dans un rapport publié ce jeudi, l’ONG Oxfam l’a calculé : la famine pourrait tuer jusqu’à 12.000 personnes jour d’ici à la fin de l’année. À l’échelle planétaire, c’est pire que le taux de mortalité journalier causé par le Covid-19, qui avait atteint des records en avril, avec un peu plus de 10.000 décès quotidiens. Avec la pandémie, ce sont « des millions de personnes supplémentaires » qui pourraient être exposées à la famine, dans les bidonvilles ou les villages les plus isolés des pays en développement, dans les zones de guerre ou les camps de réfugiés. Chiffres du Programme alimentaire mondial des Nations Unies (PAM) à l’appui, le rapport d’Oxfam table sur une hausse de 121 millions de personnes qui souffriront de la faim à un niveau critique, suite aux impacts économiques et sociaux de la crise sanitaire. Avant la pandémie, le PAM estimait que 135 millions de personnes dans le monde étaient confrontées à une crise alimentaire aiguë.
« Le COVID-19 est la goutte d’eau qui fera déborder le vase pour des millions de personnes déjà confrontées aux impacts des conflits, des changements climatiques, des inégalités et d’un système alimentaire défaillant qui a appauvri des millions de productrices et producteurs alimentaires et de travailleuses et travailleurs agricoles », a déclaré dans un communiqué Chema Vera, Directeur général intérimaire d’Oxfam International. Vivant déjà dans la précarité, des millions de personnes ont été confrontées à des difficultés supplémentaires pour se nourrir avec l’arrivée du coronavirus.
Ici, ce sont les fermetures des frontières et la suspension des exportations qui ont tari les sources d’approvisionnement des consommateurs, ou fait baisser les revenus des cultivateurs. Nombres de paysans, faute de pouvoir vendre leurs productions sur les marchés, ont dû se résoudre à regarder pourrir leurs récoltes. Ailleurs, le confinement dans les villes a privé de tous leurs revenus les travailleurs vivant de l’économie informelle. Enfin, la fermeture des écoles fut un coup très dur pour les 368 millions d’écoliers qui bénéficiaient d’un repas gratuit à travers le monde, selon des chiffres récoltés par le PAM.
Dans son rapport, Oxfam pointe dix foyers de « famine extrême » où la crise alimentaire est particulièrement aiguë et a empiré à cause du Covid-19. Parmi eux, le Yémen, ravagé par une terrible guerre civile depuis 6 ans. La fermeture des frontières et des routes de ravitaillement y a provoqué des pénuries et une flambée des denrées alimentaires, alors que le pays importe en temps normal 90% de sa nourriture. De quoi aggraver un peu plus une situation déjà dramatique ; en 2019, 53% de la population yéménite souffrait de la faim à un stade critique.
La République démocratique du Congo, l’Afghanistan ou encore le Soudan du Sud sont également repris dans la liste d’Oxfam, qui identifie également une série de foyers de famine « émergents », comme l’Inde, le Brésil ou l’Afrique du Sud.
« Les gouvernements doivent contenir la propagation de ce virus mortel [le coronavirus - NDLR], mais il est tout aussi vital qu’ils prennent des mesures pour éviter qu’autant de personnes, voire plus, meurent de faim à cause de la pandémie », a demandé Chema Vera. Pour endiguer la famine, Oxfam appelle dans son rapport à renforcer l’aide humanitaire et à annuler la dette des pays en développement, afin de libérer des fonds pour financer des programmes de protection sociale et de soins de santé. « Pour mettre un terme à cette crise alimentaire, les gouvernements doivent également construire des systèmes alimentaires plus équitables, plus résilients et plus durables, qui placent les intérêts des productrices et producteurs alimentaires et des travailleuses et travailleurs agricoles au-dessus des profits des géants de l’agroalimentaire ».