Enfin, des aides d’urgence pour les artistes

Le secteur culturel l’attendait depuis plus de trois mois. Dans la nuit de jeudi à vendredi, la Chambre a finalement adopté des mesures temporaires de soutien aux artistes et aux intermittents. Avant une vraie réforme du statut d’artiste ?

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Mieux vaut tard… Après quatre mois de crise sanitaire et trois mois après que les députés se soient emparés du dossier, la Chambre a finalement voté une proposition de loi composite (PS, associé à Ecolo-Groen, Défi et PTB) visant à soutenir les travailleurs du secteur culturel. Le texte facilite l’accès aux indemnités de chômage des artistes et techniciens frappés par la crise du coronavirus. Il instaure également une « période blanche », (du 13 mars au 31 décembre 2020), qui ne rentrera pas dans le calcul du droit au chômage et permettra aux bénéficiaires du statut d’artiste de le conserver. Fini aussi la diminution des allocations de chômage en cas de cumul avec des droits d’auteur. Plusieurs partis souhaitaient que ces mesures temporaires restent en vigueur jusqu’au 31 mars 2021. Cela ne sera pas le cas. Le gouvernement aura toutefois la possibilité de les prolonger au-delà du 31 décembre si nécessaire, conformément à un amendement du MR.

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Tout le secteur culturel attendait ce vote à la Chambre, lui qui a été, avant même l’Horeca, le plus touché suite au confinement. 93% de son activité s’est en effet arrêtée du jour au lendemain. Avec très peu ou pas de nouveaux contrats à se mettre sous la dent, la pilule a eu du mal à passer pour beaucoup d’artistes et de techniciens. « Pour tous ceux qui ne bénéficiaient pas du statut d’artiste, ça a été très difficile, confirme Fabian Hidalgo, coordinateur de Facir, une structure qui représente le secteur musical. Ça n’a pas toujours été évident de remplir son frigo. Certains ont dû passer les portes du CPAS, ou faire appel à l’environnement familial ».

Pour eux, l’adoption de cette proposition de loi est donc une bonne nouvelle : tous les artistes et intermittents pouvant démontrer avoir effectué 10 prestations artistiques (ou 20 journées de travail) entre le 13 mars 2019 et le 13 mars 2020 auront droit temporairement à des indemnités de chômage. C’est potentiellement 7.200 professionnels en plus qui sont concernés.

Allers et retours

Déposée dès le 9 avril par la député Ludivine Dedonder (PS), la proposition de loi aurait dû être votée le 18 juin. Voyant d’un mauvais œil l’impact budgétaire des mesures avancées, une coalition de partis flamands (Open-VLD, CD&V, NV-A, Vlaams Belang)a fait trainer l'affaire, en renvoyant le texte vers le Conseil d’État et la Cour des comptes. Le premier n’y a vu aucune objection juridique majeure ; la seconde a rendu son avis mardi sur le coût de la mesure, estimé à 80 millions d’euros pour cette année. « 80 millions d’euros, c’est un coût », a expliqué Ludivine Dedonder (citée par Le Soir), mais c’est le prix à payer pour offrir une protection sociale aux artistes et techniciens. Moi, ce qui me choque, c’est le coût de la misère ».

De retour à la Chambre, le texte a finalement été adopté, dans la nuit de jeudi à vendredi, par l’ensemble des partis moins les voix du CD&V (qui s’est abstenu) et de la NV-A, seule à voter contre. « Tout le monde doit travailler 312 jours avant d'avoir droit au chômage (sur une période référence de 21 mois, pour les moins de 36 ans - NDLR). Et il faudra expliquer à tous ces gens qu'ils doivent travailler 312 jours... sauf si vous êtes artistes. Et là, 20 jours suffisent. Nous sommes visiblement le seul parti qui soutient l'égalité entre les chômeurs », a jugé le député nationaliste Björn Anseeuw.

Un vrai statut d’artiste

Du côté des travailleurs culturels, c’est évidemment un autre son de cloche. On se montre satisfait du signal donné à la Chambre. Tout en rappelant que les mesures adoptées sont provisoires. « C’est une revendication portée depuis des années par tout le secteur : il faut un véritable statut d’artiste en Belgique, avance Fabian Hidalgo. Il faut sortir de la confusion actuelle, qui vient du fait que les artistes perçoivent des indemnités de chômage. Et pourtant, nous travaillons. En dehors des jours de travail qui sont effectivement couverts par un contrat, il y a tout le travail avant et après, en création, en production … Tout cela doit pouvoir aussi être valorisé. Or il ne rentre pas actuellement dans le calcul des indemnités. 312 jours de travail c’est pratiquement impossible à atteindre. Il faudrait prendre comme critère d’indemnisation toute l’activité de l’artiste, et pas juste le moment de la représentation ou de la réalisation artistique… »

Niveau politique, on semble avoir reçu le message. De nombreux partis politiques ont en effet annoncé leur volonté de s’atteler à une véritable refonte du statut d’artiste. Une question qui pourrait s’immiscer au menu des discussions, à l’heure de négocier une future coalition fédérale. « On y sera attentif, conclut Fabian Hidalgo. Il faudra que les belles intentions se traduisent en actes ».

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