
Que cache le piratage de Twitter ?

Tout d'abord, les faits. Dans la nuit de mercredi à jeudi, des hackers ont réussi à prendre possession de 130 comptes Twitter de personnalités hautement influentes et très actives sur le réseau social. Des gens comme Elon Musk, Jeff Bezos, Joe Biden, Barack Obama, Kanye West ou Kim Kardashian, soudain, proposaient à leurs followers de leur verser des bitcoins sur un numéro de compte affiché dans le message en promettant de rendre la mise multipliée par deux.
La lecture de votre article continue ci-dessous
Une arnaque grosse comme une baleine échouée sur la plage de Blankenberge ? Certes, mais elle a pourtant permis au(x) hacker(s) de récolter 120.000 dollars. Pourtant, au vu de l'ampleur du piratage, la prise aurait pu être bien plus imposante, et pas forcément en bitcoins. Selon les premiers éléments de l'enquête lancée par Twitter, le(s) hacker(s) a/ont pris les commandes du compte d'un modérateur du réseau social, lequel peut se balader parmi les comptes de personnalités et, selon le New York Times, avoir accès à leurs données personnelles ou leurs messages privés.
Or, n'importe quel autre message venant du compte de Barack Obama ou Jeff Bezos pouvait avoir des conséquences bien plus néfastes qu'une simple arnaque aux bitcoins. Pour certains observateurs, celle-ci ne pourrait être qu'une fausse piste destinée à cacher la vraie attaque. La thèse de l'inside job, un piratage venu de l'intérieur, n'est pas non plus exclue. Un modérateur aurait-il été corrompu ?
Et puis, certains n'hésitent pas à relever que les personnalités politiques attaquées étaient toutes démocrates et que le compte de Donald Trump, pourtant hyperactif sur le réseau, n'a pas été impacté. A quatre mois des présidentielles américaines, en tout cas, ce piratage impressionnant n'est pas fait pour rassurer sur la cybersécurité qui avait, rappelons-le, déjà fait défaut il y a quatre ans.
Il y a quatre ans...
En 2016, Donald Trump a gagné une élection présidentielle pour laquelle il était donné perdant notamment en utilisant au mieux les réseaux sociaux (et particulièrement Facebook) qui lui permettaient de cibler au plus près des groupes d'individus pour leur asséner son message garni de fake news, sans que les réseaux y regardent de plus près. Rien d'illégal, juste de l'intelligence politique et cynique permise par les règles internes aux réseaux sociaux.
Et puis, il y a eu l'affaire des ingérences russes. Et puis, le scandale Cambridge Analytica. Cette firme britannique, qui travaillait pour la campagne de Donald Trump, avait détourné les données personnelles de dizaines de millions d’utilisateurs dans le monde, dévoilant la faiblesse du réseau social en matière de sécurité et de désinformation de masse.
Twitter et sa politique de modération mis à mal
Pour éviter qu'un tel fiasco se reproduise cette année, les réseaux sociaux ont redoublé d'efforts pour lutter contre les tentatives de manipulations extérieures. Parmi ceux-ci, c'est Twitter qui a fait le plus d'effort en assumant un rôle de média et en faisant le tri entre les vraies et les fausses informations. Tout du moins, Twitter faisait la moitié du chemin, montrant la route vers d'autres sources (des articles de presse ou d'études universitaires) pour que chacun se fasse une idée plus juste de ce qui est dit et asséné sur sa plateforme. Première victime de cette mesure prise il y a quelques mois : Donald Trump qui avait menacé dans la foulée de fermer Twitter...
De là à dire que Donald Trump et son équipe sont responsables du piratage qu'a subi le réseau à l'oisillon cette semaine, c'est un pas que nous ne franchirons pas. Mais ce qui est certain, c'est que cette attaque met à mal Twitter (et sa politique de modération) et montre que l'élection américaine se jouera encore une fois cette année sur les réseaux sociaux, les problèmes de cyber sécurité étant loin d'être résolus.
Quant au fin mot de l'histoire, il pourrait ne pas se résumer à une centaine de milliers de bitcoins. Comme l'a résumé le journaliste français spécialisé dans la cybersécurité du site d'information Axios Jérôme Salomon, « il est encore trop tôt pour dire de quoi il retourne. Pour moi, c'est comme le pilote d'une nouvelle série télé ».