21 juillet: une fête pas si consensuelle que cela

Depuis sa création, la Belgique a connu bien des vicissitudes avec sa fête nationale. Autant hier qu'aujourd’hui, cette dernière subit des contestations, que ce soit sur sa forme ou sous la pression des régionalismes.

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Le 21 juillet, c’est le défilé, les feux d’artifice et autres fêtes populaires (du moins, quand le coronavirus ne s’en mêle pas). Bref, ce jour-là, les Belges semblent tous unis autour d’une bonne bière en oubliant les querelles politiques.

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Mais le répit est bien souvent de courte durée puisque dès le lendemain, les tensions communautaires peuvent repartir de plus belle. D’année en année, la fête nationale semble donc être une trêve fragile, comme c’est le cas cette année avec la crise politique. Cette date est de plus concurrencée par des forces régionales contraires toujours plus fortes avec leurs propres fêtes. Même les moments principaux du 21 juillet peuvent être remis en cause, du défilé militaire au Te Deum du Roi.

Une date qui a du mal à s’imposer

Pour comprendre l’importance de la fragilité de la fête nationale, petit retour en arrière. Le concept de fête nationale, aussi intemporel qu’il puisse paraître, n’est né qu’avec la Révolution française et ne s’est vraiment répandu qu’avec les États-nations du XIXe siècle. Lors de l’indépendance de la Belgique, il paraît donc essentiel de souder des territoires qui avaient jusque-là des histoires diverses et variées autour d’une date. Et le choix se porte sur… les Journées de Septembre, en souvenir des combats pour l’indépendance contre les Pays-Bas. Le 21 juillet n’est alors qu’un événement secondaire.

Pendant tout le XIXe siècle, la fête nationale a une histoire plus que boiteuse. La Belgique n’arrive pas vraiment à trancher sur un événement qui pourrait faire consensus. Un coup on fête 1830, une autre fois 1831. Puis au fur et à mesure que la Belgique tente de se réconcilier avec son voisin du Nord, le besoin se fait sentir de ne plus fêter la victoire acquise sur les Pays-Bas. En 1880, le troisième dimanche du mois d’août, en commémoration du second jubilé national, est choisi comme fête nationale mais la sauce ne prend pas. Ce n’est qu’en 1890 que la Belgique choisit le 21 juillet, en souvenir du serment du premier roi des Belges, Albert Ier.

Le pays tient enfin sa fête nationale mais seulement après 60 ans d’indépendance, et entre-temps les mouvements régionalistes vont prendre de plus en plus de vigueur. Au cours du XXe siècle, la pression devient trop forte, surtout en Flandre. Le Nord veut sa fête à elle et elle va l’avoir: c’est le 11 juillet, pour commémorer la victoire flamande des Éperons d’Or au Moyen-Âge. Le Sud se contente quant à lui de récupérer les Journées de Septembre délaissées par le fédéral. Depuis, c’est comme si la Belgique avait une myriade de fêtes nationales qui se concurrencent, cas qui fait figure d’exception dans le monde.

De la difficulté à s’adapter à son époque

Malgré tout, le 21 juillet a finit par s’imposer au niveau national et même avec grand faste dans un premier temps. Mais là aussi, la fête nationale ne reste pas figée dans le marbre, comme le note l’historien Cédric Istasse dans une étude réalisée sur les fêtes belges: «Le défilé d’anciens combattants reprendra de l’importance au lendemain des deux guerres mondiales, le défilé des troupes militaires s’ouvrira progressivement à des corps civils et le souverain prononcera une allocution royale à partir de 1984». Mais malgré ces changements, le 21 juillet continue de subir des pressions et «des contre-manifestations seront organisées par des groupes contestataires, essentiellement flamingants», constate Cédric Istasse.

Aujourd’hui encore, la fête nationale ne fait pas consensus, et pas seulement pour des motifs régionalistes. Ce mardi, la professeure de sciences politiques Ilke Adam montre dans La Libre que plusieurs reproches peuvent être adressés à la forme actuelle du 21 juillet. Elle pointe notamment une fête pas assez inclusive sur le plan identitaire, avec un défilé militaire qui renvoie selon elle à «l’image d’une Belgique machiste et conservatrice». Autre élément litigieux: le Te Deum très catholique de la famille royale. «Ce qui en ressort est la vision d’une nation chrétienne, dans laquelle chaque citoyen du pays ne pourra pas se reconnaître», dit-elle.

En résumé, selon Ilke Adam, «ce projet idéalisé qui est celui de faire nation est bien trop fragile chez nous […] et cela se ressent dans la façon dont se déroule une fête nationale en Belgique». Le fédéral pourrait-il de ce fait s’adapter de nouveau pour revitaliser l’attachement à la nation ? Pour l’instant, il ne semble pas qu’il y ait une volonté ferme de toucher à ce sujet sensible puisque touchant à l’un des rares éléments qui unit tous les Belges. Et si la Belgique se veut moderne en organisant des concerts de DJ au-dessus du Palais royal et de l’Atomium, il n’est pas certain que cela suffise au 21 juillet pour faire face aux vents contraires régionaux et sociaux auxquels elle fait face et pour faire vraiment consensus.

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