Le Liban, ce pays au bord de l’implosion

Au lendemain des deux gigantesques explosions qui ont ravagé son port, Beyrouth se réveille sous le choc. Un incident dans un stock de nitrate d’ammonium serait à l’origine de la catastrophe, qui vient encore un peu plus enfoncer le Liban. Inflation qui décolle et pouvoir d’achat qui plonge, corruption endémique… Le pays du Cèdre affronte depuis des mois la pire crise de son histoire.

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Des immeubles déchiquetés, des carcasses de voitures et des conteneurs recouverts de cendres, des ruines encore fumantes… Le port de Beyrouth a des allures de fin du monde ce mercredi matin, quelques heures après avoir été dévasté par deux énormes explosions. Le souffle des déflagrations s’est ressenti jusqu’à Chypre, à plus de 200 kilomètres de la capitale libanaise, déclarée depuis ville « sinistrée ». La puissance des explosions a été telle qu’elles ont été enregistrées par les capteurs de l'institut américain de géophysique (USGS) comme un séisme de magnitude 3,3. Un incident dans un stock de 2.700 tonnes de nitrate d’ammonium serait à l’origine de la catastrophe, dont le bilan provisoire fait état d’au moins 100 morts et 4.000 blessés, selon la Croix-Rouge.

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Accueillant d’importantes réserves de blé et quantités de produits consommables, le port de Beyrouth est un des poumons économiques du pays, déjà frappé par de graves pénuries alimentaires. Englué depuis de longs mois dans la pire crise économique et sociale de son histoire, le Liban, prend avec cet accident, un nouveau coup sur la tête. Celui de trop ?

« Nid de corruption »

Quelques heures avant les deux explosions, la température avait déjà grimpé dans la capitale. Mardi, des affrontements ont opposé forces antiémeutes et manifestants, qui tentaient d’investir les locaux du ministère de l’Énergie pour protester contre les coupures d’électricités de plus en plus fréquentes dans le pays. Voilà des décennies que les Libanais sont habitués au rationnement.

Mais depuis juin, les coupures ont encore augmenté et durent parfois 20 heures par jour, tandis que le thermomètre n’en finit pas de grimper. « Votre présence va plonger le Liban dans l'obscurité », a martelé un porte-parole des manifestants, appelant à la démission du ministre de l'Energie. « Nous sommes ici car il s'agit du premier nid de corruption », a déclaré à l'AFP une autre protestataire. Le secteur de l’énergie, et notamment la compagnie publique Electricité du Liban, fait l’objets de soupçons de corruption. Alors qu’il engloutit des sommes astronomiques (il a déjà coûté plus de 40 milliards de dollars au Trésor), le secteur est incapable de fournir correctement la population, qui doit se tourner vers des fournisseurs privés et doit payer au prix fort des générateurs.

Défaut de paiement

Plus largement, c’est tout un système clientéliste, rongé par la corruption, qui arrive aujourd’hui en bout de course. En octobre 2019, des manifestations de plusieurs centaines de milliers de personnes avaient conduit le premier ministre Saad Hariri à démissionner. Si la classe politique a finalement réussi à s’entendre et à former une coalition en janvier 2020 autour du nouveau premier ministre Hassane Diab, les manques structurels du Liban ne sont pas envolés pour autant. La guerre civile (1975-1990) a laissé le fardeau d’une dette énorme, que le pays traîne péniblement et qui ponctionne chaque année entre 20 et 25% du budget national.

Économie à faible valeur ajoutée et dépendante (80% des produits consommés sont importés), le Liban n’arrive plus à combler ses besoins économiques croissants par l’apport de fonds étrangers, venant notamment de sa diaspora (25% des Libanais vivent à l’étranger ; les fonds qu’ils envoient au pays représentent 12% du PIB ). Les recettes de l’État sont très faibles, vu la fraude fiscale et la corruption généralisée. En mars, le pays du Cèdre a même dû se déclarer en défaut de paiement sur sa dette publique, qui représente près de 170 % du produit intérieur brut (PIB). L’inflation et le chômage sont en augmentation constante ; le pouvoir d’achat, en chute libre. Un salaire de 500 euros il y a quelque mois n’en vaut aujourd’hui plus que 50; 45% de la population libanaise vivrait actuellement sous le seuil de pauvreté. L’inflation est telle que, dans certains supermarchés, les prix ne sont plus affichés, tant ils varient de jour en jour. 

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