Comment mettre fin aux féminicides

La mort d'Ilse Uyttersprot, ex-bourgmestre d'Alost, relance la question de la lutte contre ce fléau social et persistant.

Le corps sans vie d'Ilse Uyttersprot a été découvert ce mardi. L'ancienne bourgmestre d'Alost, devenue échevine, a été assassinée par son compagnon. L'homme s'est lui-même livré à la police. Meurtre, assassinat, crime dans la sphère relationnelle… Appelons un chat un chat. Il s'agit là d'un féminicide, le treizième au moins depuis le début de l'année 2020. Comme Ilse, Marie-Paule, Jessika, Myriam et d'autres femmes anonymes sont elles aussi mortes cette année sous les coups d'un homme, souvent leur (ex-)conjoint, selon le blog Stop Féminicides. Celui-ci recense uniquement les cas traités dans les médias. Au moins 24 femmes ont été tuées parce qu'elles sont des femmes en 2019, 38 en 2018, 43 en 2017.

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Au vu de ces décomptes, on peut affirmer que les cas recensés de féminicides diminuent. Cela signifie-t-il pour autant qu'il y en a réellement moins? Ou plutôt que cela fuite moins dans la presse? Cet écart de chiffres interpelle les associations de terrain qui gèrent le site. Mais elles n'ont pas les moyens pour le comprendre, ni pour l'expliquer.

Ilse Uyttersprot, dernière victime de féminicide en Belgique

La mort d'Ilse Uyttersprot rappelle que les féminicides n'ont pas de frontière sociale. - BELGA

Absent du Code pénal

En Belgique, il n'existe pour l'heure aucun chiffre officiel comptabilisant les féminicides. Cela supposerait une définition légale. Or, contrairement aux termes « parricide » et « infanticide », ce crime n'est toujours pas inscrit dans le Code Pénal, malgré diverses propositions de loi en ce sens. En l'état actuel du droit belge, tuer une femme en raison de son sexe est seulement une circonstance aggravante, et non un crime à part entière. Si cette inscription au Code pénal permettrait de mieux identifier - et donc de lutter contre - ce phénomène complexe, les militantes féministes admettent toutefois que la portée de cette reconnaissance juridique serait avant tout symbolique.

La récidive, enjeu majeur

La solution n'est donc pas seulement judiciaire. D'autant que la justice a déjà démontré ses limites: de nombreuses femmes ont été tuées par un récidiviste. C'est le cas notamment d'Ilse Uyttersprot, abattue à coups de marteau par Jurgen D., condamné en 2014 à six mois avec sursis pour coups et blessures ainsi que harcèlement sur une ancienne compagne.

Depuis 2006 et la fameuse circulaire « COL4 » du Collège des procureurs généraux, la tolérance zéro est censée être appliquée par tous les parquets du royaume en matière de violences conjugales. De nombreuses recherches ont toutefois montré que la sanction, et en particulier l’incarcération, ne diminue pas forcément le taux de récidive. Pire, plus la sanction est forte, plus ce taux de récidive sera élevé, a démontré une étude citée par Le Vif. Pour lutter contre les violences conjugales et les féminicides, un accompagnement des auteurs est donc crucial. Mais ce n'est pas tout.

Lutter en amont

« Aujourd’hui, il faut que la mort violente d'Ilse Uyttersprot provoque un électrochoc et ouvre les yeux des responsables politiques sur ce fléau qui ravage la société belge: le féminicide est l'aboutissement d'un continuum de violences infligées aux femmes que la société tolère, par une complaisance coupable à l'égard des agresseurs et souvent, une indifférence si pas une méfiance inadmissibles envers les victimes », a réagi la présidente du Conseil des femmes francophones de Belgique Sylvie Lausberg dans un communiqué. Avec son homologue flamande, Magda De Meyer, présidente de Vrouwenraad, elle appelle les politiques à lutter « en amont » plutôt qu'à « réparer les conséquences désastreuses des violences commises contre les femmes de notre pays ». Car c'est là que se trouve la solution principale: dans la prévention, la protection des victimes et, plus loin encore, dans l'éducation. L'objectif ici n'est pas de mieux compter les mortes, mais de faire en sorte qu'il n'y en ait plus.

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