
Grâce au Covid-19, l’humanité vit (un peu) moins à crédit cette année

Comme chaque année, l’annonce tombe comme un couperet: l’humanité a atteint le point où elle en demande trop aux capacités environnementales de la planète. Elle rejette trop de CO², pêche trop de poissons, abat trop d’arbres… Résultat: théoriquement, la Terre n’offre pas assez de ressources et ne peut pas absorber la pollution d’origine humaine.
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Pour 2020 toutefois, la date de ce dépassement écologique a été reculée. En 2019, elle était établie au 29 juillet. Cette année, c’est le 22 août, soit 24 jours de plus durant lesquels l’humanité ne vit pas à crédit. La raison de cette baisse historique tient en un mot: coronavirus. Mais ce bilan est à nuancer.
Chute importante des rejets de carbone
Pour calculer ce changement de cap, l’institut de recherche californien Global Footprint Network prend en compte deux éléments: l’empreinte écologique de la population et la biocapacité d’un territoire. De façon plus concrète, cela donne plusieurs indices révélateurs de la crise sanitaire.
L’empreinte carbone planétaire a ainsi baissé de 14,5% à cause du Covid-19. C’est l’élément qui pèse le plus dans la balance. Évidemment, ce chiffre dépend fortement du niveau de confinement adopté dans tel ou tel pays. Le Global Footprint Network estime ainsi que la baisse est de 8% dans les pays ayant appliqué des mesures limitées, de 17% pour un lockdown partiel et de 25% avec un confinement total. Puisque ce cas était surtout d’application au printemps dernier, c’est à ce moment-là que l’effet a été le plus marqué. Depuis, les statistiques sont reparties à la hausse, sans pour autant atteindre les niveaux de pré-crise.
Des forêts épargnées
Un autre élément important dans le gain de jours de crédit, c’est l’exploitation forestière, soit 10% de l’empreinte écologique globale. Ici, deux effets s’opposent. Côte face, l’activité dans l’industrie forestière a diminué, la demande en matériaux de construction ayant été impactée par la crise. Côté pile, beaucoup de personnes ayant perdu leurs emplois ont quitté les villes pour la campagne, d’où une pression accrue sur les ressources agricoles et forestières. Les efforts de conservation de la nature ont eux aussi pâtit du coronavirus, comme en Amazonie et en Asie du Sud-Est. Entre ces deux tendances, le gagnant est néanmoins la première. Le calcul final aboutit donc à une baisse de 8,4% de l’empreinte forestière de l’humanité.
Global Footprint Network prend enfin en compte l’empreinte alimentaire mais il s’avère que son résultat n’est pas très différent de celui de 2019. La crise a eu à la fois pour conséquence d’augmenter le gaspillage et la malnutrition. Autrement dit: statut quo. L’équipe du think thank aboutit ainsi à un dernier chiffre qui sert de conclusion. L’empreinte écologique mondiale a été réduite de 9,3% cette année, d’où cette date du 22 août.
Loin d’être suffisant
Avec ce bilan, il y aurait a priori de quoi se réjouir. Mais du côté des associations écologistes, la réponse est à la fois oui et non. Oui parce que l’adaptation au coronavirus reste un effort louable pour la planète. Et non parce que, malgré tous ces sacrifices, «il reste quatre mois dans le rouge», fait remarquer au Parisien Samuel Léré, de la Fondation Nicolas Hulot. «C'est le signe qu'il faut se mettre au travail pour ne plus épuiser les ressources avant le 31 décembre». Global Footprint Network note d’ailleurs qu’en 2020, l’humanité consomme toujours l’équivalent de 1,6 Terre. Bien sûr, tous ces chiffres sont contestables car caricaturaux au vu de la complexité du monde, mais les ONG environnementales jugent qu’ils peuvent être utiles dans un cadre pédagogique.
D’un autre côté, les lanceurs d’alerte ne manqueront pas de relever ce que tout cela aura concrètement comme impact sur le réchauffement climatique. Or de ce point de vue, l’heure n’est pas à la joie. Selon une étude publiée dans Nature Climate Change début août, même en gardant les restrictions de voyage et la distanciation sociale comme aujourd’hui mais jusque fin 2021, cela n’économiserait que 0,01°C d’ici 2030. Une goutte d’eau comparée à l’augmentation de 3°C prévue désormais par la communauté scientifique si les États respectent leurs engagements climatiques pris notamment lors de la COP21.