Nos prisonniers toujours confinés

Pour enrayer la propagation du virus, l’administration pénitentiaire a adopté des mesures très strictes dès le début de la pandémie. Visites compliquées voire impossibles, consultations juridiques rendues très difficiles… En prison, le déconfinement se fait cruellement attendre.

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Éviter que les prisons ne se transforment en nouveaux foyers de contamination : dès la mi-mars et le début du confinement en Belgique, c’était devenu l’objectif principal de l’administration pénitentiaire. C'est qu’entre des mesures de distanciation sociales pratiquement impossibles à faire respecter dans des espaces très exigus et des détenus qui présentent souvent des problèmes de santé, les prisons étaient les candidates idéales pour voir flamber l’épidémie. Pour empêcher sa propagation, toutes les visites et activités communes ont donc été suspendues (sport, cours, travail, etc.). À l’exception des rares sorties autorisées en préau, les seules interactions sociales avec l’extérieur et avec la famille se faisaient par téléphone.

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Début juin, le déconfinement s’est amorcé dans les établissements pénitentiaires, à très petits pas. Chaque nouveau détenu est depuis systématiquement testé en entrant et placé en isolement médical jusqu’au résultat du test. Les « bulles » sociales entre co-détenus sont aussi en vigueur. Les visites traditionnelles, dites « à table » sont désormais autorisées une seule fois par semaine, derrière une paroi de plexiglas, avec port du masque et sans contact physique. Tout cela a semble-t-il porté ses fruits. À la fin juillet, on recensait 110 contaminations au Covid-19 (dont 33 détenus) pour les quelques 10.000 prisonniers que compte la Belgique.

Les visites « hors surveillance » en ligne de mire

Pour plusieurs associations, ces mesures drastiques ont cependant fait leur temps et doivent cesser. « La crise sanitaire ne peut continuer à justifier l’atteinte au droit à la vie privée et familiale des personnes détenues et de leurs proches », ont dénoncé dans une carte blanche, l’Observatoire internationale des prisons (OIP), la Ligue des droits humains, le Collectif des luttes anti-carcérales (CLAC) et le GENEPI Belgique. « La crise sanitaire n’étant pas prête de se terminer, il est urgent d’organiser le régime de détention pour permettre le maintien des relations familiales, sociales et affectives entre personnes détenues et leurs proches dans un contexte sanitaire », expliquent les associations. « Le maintien des liens familiaux, affectifs et sociaux favorise (…) la réinsertion sociale à la sortie de prison et réduit les effets dommageables de la détention », poursuivent les signataires.

Dans la ligne de mire des associations : les « VHS », pour « Visites hors surveillance », qui à l’inverse des visites « à table », sont toujours suspendues. Ces VHS permettent aux détenus de recevoir, sans surveillance, leur compagne/compagnon, dans une pièce aménagée en salon-chambre. Véritables moments d’évasion durant le temps de la détention, ces visites manquent cruellement aux détenus, mais aussi au personnel pénitentiaire, puisqu'elles peuvent contribuer à apaiser les tensions.

Dans leur carte blanche, les associations appellent donc au rétablissement de ces visites hors surveillance, en prévoyant « d’une part, un nettoyage accru de ces salles, et d’autre part, un isolement d’une journée après cette visite, conformément au régime prévu pour les condamnés au retour d’une sortie de prison ». Les signataires demandent également d’octroyer un maximum de permissions de sorties et de congés pénitentiaires pour raisons familiales.

Rencontrer son avocat, le parcours du combattant

Parallèlement à ces mesures qui concernent l’ensemble des prisons du Royaume, la section belge de l'Observatoire international des prisons (OIP) a récemment dénoncé une directive transmise par la direction générale des établissements pénitentiaires aux prisons bruxelloises. Selon l’OIP, les mesures prises à Bruxelles interdisent de fait toute visite des détenus par leur avocat, ce qui porte « atteinte aux droits fondamentaux des détenus et en particulier à leur droit à un procès équitable ».

En raison de la crise sanitaire, tout prisonnier entrant à Bruxelles doit en effet être placé par défaut sous isolement médical, qui peut être levé par un médecin ou en cas de dépistage négatif au Covid-19. Tant que l’isolement est maintenu, on ne laisse pas l’avocat rencontrer son client, sauf « s’il insiste », mais dans ce cas, il doit se munir de « son propre masque FFP2 ».

Une mesure très contraignante, qui pour l’OIP, empêche bien souvent la rencontre avec un avocat. Une personne fraîchement placée sous mandat d’arrêt et placée en détention préventive nécessite en effet une assistance juridique rapide, puisqu’elle comparaît dans les 5 jours en chambre du conseil, qui décide de confirmer ou non la détention. Si les avocats gardent la possibilité de communiquer par écrit avec leur client, cela reste insuffisant, surtout s’il faut monter tout un dossier, et comporte un risque de violation du secret professionnel, juge également l’OIP. « Aucune de nos directives n'interdit à un détenu de consulter son avocat », a contre-attaqué l’administration pénitentiaire. « Quand l’avocat souhaite rencontrer son client et n’est pas en possession d’un masque, il peut en avoir un de la prison », complétait-elle dans La Libre.

Pas sûr toutefois, que ceci soit systématique. « Divers propos ont été entendus concernant ce qui se passe sur le terrain, des propos incorrects, a expliqué à La Libre Michel Forges, à la tête de l’ordre français du barreau de Bruxelles. Si, par exemple on affirme dans la presse que des masques sont disponibles pour les avocats, nous attendons que ce soit vraiment le cas, et ça ne l’est pas. Si, sur le terrain, on nous dit qu’une audition entre un avocat et son client est possible par téléphone, là aussi, nous attendons que ce soit vraiment le cas, et ça ne l’est pas ».

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