
Le plus grand camp de réfugiés d’Europe ravagé par les flammes

Plus de 24 heures après le départ de feu, mardi soir, les pompiers grecs étaient toujours en pleine bataille ce mercredi pour circonscrire le double incendie qui a frappé le plus grand camp de migrants de Lesbos. Tentes et cabanes de fortune, locaux administratifs et services d’enregistrement des réfugiés…. à Moria, tout, ou presque, est parti en fumée. La quasi-totalité des quelques 12.500 habitants du camp (qui ne peut en accueillir que 3.000 théoriquement) est maintenant sans abri. Lesbos tout entière a été déclarée en état d’urgence mercredi (la population de l’île est de 85.000 personnes). On ne compte pour l’instant aucun décès.
La lecture de votre article continue ci-dessous
Selon les autorités grecques, ce sont des demandeurs d’asile protestant contre les mesures de quarantaine imposées à Moria, qui seraient à l’origine des incendies. Depuis le début de la pandémie, les camps de refugiés situés aux frontières de la Grèce avec la Turquie sont en effet soumis à un confinement strict. Si la Grèce s’est progressivement dé-confinée en juin, cela n’a pas été le cas des camps de migrants, qui sont restés bouclés tout l’été ; les interventions des ONG y sont notamment limitées, tout comme les entrées et sorties. La semaine passée, un premier cas de Covid-19 avait été détecté chez un résident du camp de Moria ; quelques jours après, c’est 35 personnes qui ont été placées en isolement. Le dépistage continuait mardi, avant que des tensions n’éclatent au sein du camp surpeuplé.
La honte de l’Europe
Le coronavirus n’aura probablement été que l’étincelle mettant le feu aux poudres ; l’incendie couvait en réalité depuis longtemps à Moria. En 2016, Européens et Turques signent un accord migratoire. En échange d’une aide de 6 milliards d’euros, la Turquie s’engage à limiter les arrivées de migrants sur les côtes européennes. À 15 kilomètres à peine du rivage turc, l’île de Lesbos installe des « hotspots ». C’est dans ces camps que sont « accueillis » les demandeurs en attente d’une décision d’asile ou d’un refoulement vers la Turquie ou vers leur pays d’origine. Une attente souvent très longue, l’administration grecque étant débordée, et les moyens promis par l’UE à la Grèce s’étant fait attendre.
Au fil des années, les conditions de vie dans les camps de Lesbos sont devenues de plus en plus sordides. C'est « la honte de l’Europe », a d’ailleurs dénoncé dans un essai Jean Ziegler, conseiller du Conseil des droits de l’homme des Nations unies, après sa visite de l’île. On y croise violences, trafics de drogue et prostitution dans ce qui ressemble à s’y méprendre à des prisons à ciel ouvert. Les conditions sanitaires sont déplorables dans les camps : à Moria, il y avait un WC pour 167 personnes et une douche pour 242. En mars déjà, une petite fille était morte brûlée dans un conteneur ; en 2019, deux réfugiés avaient également perdu la vie dans un incendie.
Vers une politique migratoire réellement commune ?
Inévitablement, les incendies de mardi et mercredi relancent le débat sur l’accueil des demandeurs d’asile de l’UE. Et mettent en lumière, l’échec, patent, de l’Union à s’entendre sur une plus juste répartition de l’accueil des migrants entre les 27, alors que la Commission européenne s'apprête justement à dévoiler son Pacte sur l’asile et la migration fin septembre.
« Nous devons rapidement clarifier la manière dont nous pouvons soutenir la Grèce. Cela inclut la répartition des réfugiés parmi ceux qui sont prêts à les accueillir », a déclaré le ministre des Affaires étrangères allemand Heiko Maas, dont le pays assure la présidence tournante du Conseil de l’UE. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, s’est déclarée « profondément attristée par les événements de la nuit dernière » et a assuré la Grèce du « soutien » de la Commission et des États membres, sans plus de précision à ce stade.