Adieu, climat tempéré à la Belge?

Aucune partie de la Belgique n’échappera au réchauffement climatique. Mais outre les tendances globales, ces changements ont des conséquences locales multiples et variées.

@BelgaImage

Ces derniers jours, c’était ambiance estivale. Avec 34°C enregistrés, jamais une mi-septembre n’a été aussi chaude et propice aux repas en terrasse, aux glaces et aux plongeons dans la piscine. Mais à côté de ces petits plaisirs, il y a le contre-coup. Ce mardi, la Commission nationale climat a calculé que le changement climatique fait perdre chaque année à la Belgique près de 9,5 milliards d’euros, soit 2% du PIB. Les gains assurés par des hivers plus doux ne permettent pas de rattraper le coup avec seulement 0,65% de croissance du PIB.

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Cette annonce reflète l’impact du réchauffement planétaire sur l’économie belge mais cela se concrétise de manière assez différente au niveau local. Car les problèmes ne sont évidemment pas les mêmes en fonction de si on se situe à la côte, en ville ou dans les Ardennes.

Des villes plus concernées par la chaleur

Le premier coût que pointe la Commission nationale climat, c’est celui de la santé, car les vagues de chaleur sont loin d'être inoffensives. Les personnes âgées et celles avec des comorbidités sont les premières à en payer le prix, avec une surmortalité et un nombre d’hospitalisations croissants ces dernières années. Mais sur ce plan-là, ce sont les villes qui ont le plus à perdre. «D'une manière générale, il faut s'attendre à une mortalité supérieure dans les villes, en raison de l'exposition accrue aux températures élevées (dues aux effets d'îlot de chaleur urbain) et d'un profil de vulnérabilité plus élevé de la population», note la Commission nationale climat. Sans surprise, c’est donc Bruxelles qui est la principale victime de la hausse du coût des soins de santé dû à la chaleur.

Les villes seront aussi perdantes du point de vue de la productivité du travail. Même si les activités extérieures ne sont pas épargnées, le bulles de chaleur urbaines affecteront particulièrement les travaux en bureaux et dans la construction. Or le secteur des services est important en Belgique.

Un phénomène ressenti différemment selon la région

En province, la réalité du terrain joue pour beaucoup. Évidemment, la côte est un cas particulier. Les inondations y sont déjà une menace prégnante et la perspective d’une élévation des eaux n’est pas pour rassurer. Mais de manière générale, ce sont toutes les zones inondables qui sont concernées. «Ceux qui habitent près d’une rivière qui a déjà tendance à sortir de son lit vont encore plus souffrir», explique Hugues Goosse, climatologue professeur à l’UCLouvain. «On sait que les orages seront plus forts en été. Cela ne veut pas forcément dire que les tempêtes seront plus fréquentes, mais il est clair qu'elles vont nous amener plus de précipitations puisque l’air chaud contient plus d’humidité, d’où plus de dégâts».

Les forêts ardennaises ne vont pas non plus être épargnées car si l’été sera marqué par de violents épisodes orageux, les pluies y seront globalement moins fréquentes. Les conséquences de la sécheresse, couplée à des hivers doux et moins propices à la neige, sont déjà visibles: l’attaque d’arbres par des scolytes. À terme, les hêtres devraient migrer vers l’est et les épicéas grandement souffrir, mais les domaines forestiers mixtes s’en sortiront mieux. «La sécheresse peut aussi avoir des conséquences importantes sur la végétation et les réservoirs d’eau, ce qui implique des problèmes pour les industries grandes consommatrices d’eau et pour le secteur fluvial», ajoute Hugues Goosse. Enfin, toujours dans les hauteurs du pays, le réchauffement climatique fait peser la menace d’un assèchement des tourbières des Hautes-Fagnes et d’incendies de forêts facilités.

La sécheresse provoque également des pertes pour les agriculteurs, comme en 2018. Mais ici, le réchauffement climatique a un effet paradoxal. Car si le régime des pluies est modifié, la concentration accrue en CO2 tend à augmenter les rendements, par exemple en blé. La Commission nationale climat prévoit même des gains jusqu’à 10-20% dans le secteur d’ici 2050 par rapport à 1981-2000. Mais ce gain ne comblera pas les autres pertes, surtout compte tenu de l’impact beaucoup plus prononcé du réchauffement sur d’autres parties du monde et donc sur les importations.

Vers un climat méditerranéen?

Le bilan n'est donc guère réjouissant et cela suscite plusieurs interrogations sur l’état du climat belge. Selon le climatologue François Massonnet, interrogé par la RTBF, «le climat tempéré à la belge pourrait être remis en question». La télévision publique a également posé la question de savoir si la Belgique pourrait prochainement acquérir un climat méditerranéen. Une perspective qui a le don d'interloquer.

Mais pour Hugues Goosse, tout dépend de la définition de ces classifications. «Si les températures augmentent de manière à se rapprocher de celle de l’Italie aujourd’hui, est-ce que cela veut dire que l’on aurait le même climat pour autant? De manière globale, notre climat restera de toute façon plus humide du fait des dépressions de l’Atlantique et il n’y a pas que la température qui joue. Quant à la question du climat tempéré, sans doute que la définition va changer. On ne va pas dire que tout le climat est devenu méditerranéen. Il y aura toujours des contrastes et le climat méditerranéen va lui aussi changer. Le climat belge restera donc tempéré mais plus chaud. Cela ne permettra pas de voir des cocotiers à la côte.»

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