Communauté germanophone: à l’est, une Belgique qui fonctionne?

Depuis des années, la Communauté germanophone cherche sa place au sein du pays avec des aspirations autonomistes toujours croissantes. Cent ans tout juste après le rattachement des cantons de l’Est, l’enjeu n’a jamais été aussi important.

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Ce dimanche est un jour d’anniversaire pour les cantons de l’Est. Rattachés à la Belgique le 20 septembre 1920, ils fêtent leurs 100 ans d’histoire, même si les célébrations ont été limitées au strict minimum à cause du coronavirus. Ce jour spécial a néanmoins le mérite de rendre visible une Communauté germanophone d’habitude bien discrète dans le débat public. Combien de Belges seraient capables de dire ce qui fait l’actualité de ce petit bout de Belgique? Ou de citer les noms de ses dirigeants? Pas beaucoup probablement. La Communauté germanophone est pourtant traversée par des enjeux propres qui la distinguent du reste du pays. Aux défis auxquelles elle fait face, les habitants apportent souvent la même réponse: l’autonomisation.

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La montée en force du régionalisme

Si les germanophones sont aujourd’hui peu écoutés par leurs concitoyens, ce n’est pourtant rien à côté du manque total de considération qu’ils ont subi auparavant. «Pendant longtemps, les germanophones ont été tout à fait mis de côté», rappelle Vincent Laborderie, politologue à l’UCLouvain. «Jusque dans les années 1980, ils ne comptaient pour ainsi dire pour rien car l’opposition Flamands-Francophones prenait toute la place. S’ils sont heureux d’être en Belgique, il faut rappeler qu'au moment de créer les régions, on a suivi la frontière linguistique tout le temps sauf dans leur cas, alors qu’ils n’avaient jamais demandé à être intégrés à la Wallonie».

Mais depuis les années 1980, la donne commence à changer. Tout comme Bruxelles qui s’affirme de plus en plus, les germanophones veulent avoir leur région à eux. Presque tous les partis locaux sont aujourd’hui pour une plus grande autonomie et le président communautaire Oliver Paasch est d’ailleurs issu d’un parti régionaliste, le ProDG. Pour sa rentrée politique de ce mois de septembre, il n’a pas manqué de le rappeler lors d’une interview à Grenz-Echo que s’il doit y avoir des négociations institutionnelles en Belgique, cela ne se fera pas sans que l’autonomie germanophone soit discutée.

Avoir des outils adaptés aux enjeux locaux

Mais cette régionalisation n’est pas une idée purement chauviniste. Les germanophones ne demandent d’ailleurs aucunement une quelconque indépendance. «L’objectif est simplement d’arriver à une Belgique à quatre régions et d’avoir toutes les compétences que ce soit du niveau régional ou communautaire», précise Vincent Laborderie. Un tel changement permettrait de répondre à de réels enjeux. Le plus éloquent est probablement le problème de la dette de la Communauté germanophone. Cette question est encore plus prégnante aujourd’hui, dans un contexte de crise sanitaire où le manque au budget communautaire est de 80 millions d’euros. «Le problème des communautés, c’est que leur financement se fait par une répartition plus globale. Elles n’ont pas la capacité de lever des impôts et elles n’ont donc pas de financement propre. Il y a donc toujours des inquiétudes quant à la soutenabilité de leurs dettes. Si les germanophones avaient une région à eux, cela leur permettrait de lever des impôts», explique le politologue de l’UCLouvain.

Il ajoute à cela que cette zone fait face à des défis propres liés à sa configuration: une population d’environ 70.000 habitants, un milieu rural et frontalier très affirmé, pas de réel problème de chômage et un fort dynamisme politique. Bref, autant de points qui la différencie du reste du pays globalement urbanisé, densément peuplé et avec un taux de chômage plus élevé dans de nombreuses localités. En ce sens, avoir des compétences élargies seraient, aux yeux des germanophones, une façon de traiter comme il se doit les problématiques qui se posent spécifiquement à eux.

Avec la Wallonie, c’est «je t’aime, moi non plus»

Tout cela ne doit pas faire croire que les germanophones voudraient jouer leur jeu à part. Comme les autorités communautaires aiment le rappeler, il est même difficile d’être plus pro-belge qu’eux. «Ils ont une identité belge forte et affirmée», confirme Vincent Laborderie. «Leur attachement est profondément lié à l’histoire et au souvenir de la Seconde Guerre mondiale. Et d’autre part, les germanophones ont bien conscience qu’en cas d’éclatement de la Belgique, ils seraient les grands perdants. Mais l’attachement à la Belgique n’est pas exactement la même que pour les francophones. Il ne faut pas oublier que les germanophones sont caractérisés par un milieu très multiculturel et frontalier où ils peuvent parler trois ou quatre langues (allemand, anglais, français et parfois néerlandais). Cette identité est donc multiple: à la fois belge et germanophone. Par contre, à quelques exceptions près, ils ne se sentent pas Wallons».

Ce manque d’attachement à la Wallonie ne fait que renforcer les demandes pour récupérer les compétences régionales qui lui appartiennent. En attendant, les germanophones doivent se contenter de leurs pouvoirs communautaires, ce qui n’est déjà pas de tout repos. Cette semaine en donne un bon exemple avec la démission du ministre de l’enseignement, Harald Mollers, fervent défenseur de la politique de son gouvernement contre le coronavirus, ce qui lui a valu des attaques personnelles qui l’ont fait renoncer à son poste. Un coup d’éclat rare dans la Communauté mais qui rappelle que la politique n’est pas forcément un long fleuve tranquille dans ce petit bout de Belgique.

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