Fermeture des bars à Bruxelles: « Nous assistons à un génocide du secteur »

Entre colère et désespoir, les patrons de cafés bruxellois acceptent difficilement la nouvelle mesure sanitaire les obligeant à garder portes closes durant un mois. Témoignages.

- Belga

Ce lendemain est difficile. Pas de gueule de bois cette fois, mais une incompréhension suite à l'annonce du gouvernement de ce mercredi. À partir d'aujourd'hui et jusqu'au 9 novembre, les bars et cafés de la région bruxelloise doivent fermer leurs portes pour endiguer la propagation du coronavirus qui s'accélère dans la capitale. Une mesure trop tardive selon certains. Un coup de grâce pour le secteur selon d'autres. « On est fatigués », soupire Jellil Paul Sahidet de L'Amère à Boire. « Après avoir bien souffert pendant trois mois de fermeture, on nous annonce une fermeture à 1h, puis 23h et maintenant un retour à la fermeture totale », regrette le co-patron du bar aux trois enseignes, à Ixelles, Saint-Gilles et Uccle. À Saint-Catherine, chez Lutgarde, la colère se mêle à la déception. « On nous coupe une nouvelle fois l'herbe sous le pied », dénonce Martin Van Laethem à propos de cette décision « injuste » et « incompréhensible ».  

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Les bars sont-ils responsables?

Tous les deux s'accordent à dire que les cafés sont à nouveau les boucs émissaires de cette situation dont ils ne sont pas les premiers responsables. « Ce n'est pas que nous. Il faut que l'on arrête de nous pointer du doigt tout le temps », supplie Jellil Paul. « Les cafés sont ouverts depuis juin et il n'y a pas eu de recrudescence directe pendant l'été », rappelle Martin. Même son de cloche du côté de la Fédération des cafés de Belgique (FedCaf). « Aucun de nos membres n'a dû fournir la liste des coordonnées des clients depuis que celle-ci est imposée dans l'horeca, et pas ailleurs. Ma question est: comment peuvent-ils donc savoir que la propagation vient des bistros? », lance la présidente Diane Delen, affirmant qu'« aucune preuve scientifique ne démontre que c'est à cause des bars que la propagation du virus redémarre ».

Les études menées à l'étranger indiquent effectivement que l'horeca est « un des facteurs qui peut jouer un rôle dans l'épidémie », selon Yves Van Laethem. Mais ce n'est pas le seul, ni le premier. D'après une étude suisse menée cet été, le cercle familial est la principale source de contamination au coronavirus, suivie par le lieu de travail. Une conclusion partagée par l'Agence flamande de Soin et Santé, qui pointe également du doigt l'école.

Bar

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Effet boule de neige

Au premier jour de cette fermeture imposée, l'inquiétude est grande. « Nous assistons à un génocide du secteur », lance la présidente de la FedCaf qui ne mâche pas ses mots. Furieuse, elle estime que cette mesure n'aura pour effet que d'accentuer la crise économique et d'accélérer la survenue de faillites parmi les 3.000 établissements de la capitale. Sans compter « l'effet boule de neige » sur les autres activités économiques. Car le secteur « fait vivre plus de quarante corps de métiers. Il y a des brasseurs, des placeurs de jeux, des négociants de boissons… L'horeca est le quatrième employeur en Belgique et l'un des rares secteurs à ne pas dépendre du système belge ». Diane Denel craint également que la fermeture s'étende au-delà du 8 novembre, et au-delà de la capitale. « Les gens vont tout perdre. Ils vont se retrouver à la rue et vont être endettés jusqu'à la fin de leur vie. Ils ne vont jamais pouvoir se redresser », redoute-t-elle, reprochant aux politiciens « leur incompétence », « l'incohérence de leurs mesures » et leur déconnexion de la réalité.   

La situation était déjà difficile pour les patrons de cafés. « Cela fait six mois qu'on ne vit plus. On galère tous. Heureusement je n'ai pas d'enfants à charge, mais c'est compliqué pour tout le monde. Les faillites, il y en a déjà eu et là maintenant elles vont tomber en masse », redoute Jellil Paul Sahidet. « Il y a une urgence face à la crise sanitaire, certes, mais il y a aussi urgence par rapport aux secteurs touchés par la crise. À mes yeux, cette crise fait bien plus de dommages collatéraux qu'autre chose et là ça devient grave. Combien de personnes endettées jusqu’au cou, de suicides et de personnes isolées? On a privé les gens de culture, de détente, de pouvoir s'exprimer ou de voir leurs proches depuis des mois afin de les conscientiser face à l'urgence sanitaire. C’est chose faite. Laissez-nous vivre maintenant, prudemment avec les gestes barrières, mais laissez-nous vivre », demande, quant à lui, Martin Van Laethem.  

Appel à l'aide

Inquiet pour l'avenir du secteur et le sien, Jellil Paul Sahidet réclame avant tout de l'aide « proportionnelle » aux loyers et charges endossées par les établissements, au lieu d'une prime unique comme cela a été accordé lors du confinement de mars et avril. « C'est gentil de nous avoir refilé 4.000 euros pour les trois mois de fermeture, un droit passerelle de 1.300 euros par mois brut, mais c'est une blague. Pour notre nouveau bar à Saint-Gilles, on paie un peu plus de 3.000 euros de loyer. Il faut aider au cas par cas, parce que certains sont en train de crever la gueule ouverte. » La détresse est telle que le secteur pourrait se rebeller. « On va faire bouger les choses. Il y a des choses qui se préparent », lance le patron de l'Amère à Boire, sans vouloir en dire davantage. « On ne peut pas se laisser faire comme ça. »

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