
Le Covid-19 a fortement accentué les inégalités

Nous ne sommes pas tous égaux face à la crise. Jusque-là, rien de nouveau. Sauf que le Covid-19 va approfondir les inégalités sociales dans des proportions inquiétantes. Pour la première fois depuis près d'un quart de siècle, l'extrême pauvreté va augmenter dans le monde. C'est ce que prédit en tout cas la Banque mondiale, dans un rapport publié mercredi. La crise liée au coronavirus pourrait ainsi plonger, d’ici à la fin de 2021, jusqu'à 150 millions de personnes sous le seuil d'extrême pauvreté, fixé à 1,90 dollar (1,61 euro) par jour.
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Cela représente un retour en arrière d'au moins trois ans, soit en 2017, lorsque le taux s'élevait à 9,2%. Sans le choc mondial provoqué par la pandémie, ce chiffre aurait dû tomber à 7,5% cette année.
« Nouveaux pauvres »
Sans surprise, la crise sanitaire et ses dégâts économiques et sociaux vont frapper durement les personnes déjà pauvres et vulnérables, mais ils vont aussi modifier en partie le profil de la pauvreté mondiale en créant des millions de « nouveaux pauvres », souligne la Banque mondiale. Ces derniers sont « plus urbains, mieux éduqués et moins susceptibles de travailler dans l'agriculture » que ceux qui vivaient dans l'extrême pauvreté avant le Covid-19. 82% d'entre eux vivent dans des Etats à revenu intermédiaire. Deux régions seront particulièrement vulnérables: l'Asie du Sud et l'Afrique subsaharienne.
Des personnes dans le besoin attendent leur repas gratuit en Inde - AFP/SAM PANTHAKY
Si les citadins sont de plus en plus affectés, les pauvres restent majoritairement ruraux, jeunes et moins éduqués. En 2018, la moitié d'entre eux étaient des enfants de moins de 15 ans, alors qu'ils ne représentent qu'un quart de la population mondiale. Les femmes sont, elles aussi, surreprésentées.
Deux autres facteurs à risque
La pandémie n'est pas le seul risque à surveiller. La Banque mondiale redoute également l'impact des conflits armés et du réchauffement climatique. Deux phénomènes qui ont déjà contribué à faire ralentir le rythme de réduction de l'extrême pauvreté ces dernières années. « Le Covid-19, les conflits et le changement climatique ont annulé les progrès de l'éradication de la pauvreté pour la première fois depuis une génération », regrette la Banque mondiale, mettant hors de portée l'objectif de mettre fin à ce fléau d'ici à 2030.
Les riches, toujours plus riches...
À l'autre extrême, c'est l'inverse. Pendant que les pauvres s'appauvrissent, les riches s'enrichissent. Jusqu'ici rien de neuf non plus. Sauf que le coronavirus a fait grimper les fortunes des milliardaires de la planète comme jamais auparavant. Cumulée, la richesse des « super-riches » a enregistré une hausse de plus d'un quart, atteignant 10.200 milliards de dollars, soit un nouveau record grâce à un vif rebond des marchés entre avril et fin juillet. À cette période, ce cercle privilégié comptait 2.189 milliardaires, soit 31 de plus qu’en 2017, d'après une étude réalisée par la banque suisse UBS et le cabinet d'audit et de conseils PWC.
Elon Musk est le grand gagnant de cette crise. - AFP/Brendan Smialowski
« Pour les milliardaires comme pour l’économie dans son ensemble, 2020 restera une année pivot », ont estimé les auteurs de l’étude, soulignant que « la tempête du Covid-19 a accéléré la divergence » entre les milliardaires issus des rangs de la technologie, de la santé et de l'industrie qui montaient déjà en puissance et les fortunes des secteurs plus traditionnelles et moins dynamiques, comme l'immobilier.
En haut du classement, Jeff Bezos, patron d'Amazon, a profité de la flambée des commandes en ligne, augmentant sa fortune de 74 milliards de dollars pour atteindre 189 milliards. C'est Elon Musk, patron de Tesla, qui a gagné le plus d'argent cette année, multipliant sa fortune par quatre, jusqu'à détenir 103 milliards de dollars. Malgré ce pactole, il reste toutefois sur la troisième marche du podium, derrière Bill Gates.
… et philanthropes
UBS remarque que les milliardaires ont non seulement augmenté leurs fortunes, mais aussi leurs dons. « Notre étude a identifié 209 milliardaires ayant publiquement engagé un montant équivalent à 7,2 milliards de dollars de mars à juin 2020 », note la banque suisse, précisant que « cela ne représente sans doute qu'une fraction du montant total des dons, étant donné la tendance à la discrétion ».