
Covid-19 : nos hôpitaux bientôt plus surmenés qu’au printemps

Ce lundi en Belgique, de nouvelles mesures entrent en vigueur pour la population : fermeture de l’Horeca, couvre-feu, contacts rapprochés plus que réduits… Le coronavirus circule à nouveau à vive allure et tout est donc mis en place pour essayer d’arrêter cette propagation.
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Aujourd’hui encore, beaucoup de Belges ne comprennent pas ces décisions. Pour certains, ce sont de nouvelles atteintes à leur liberté. Pourtant, si les immenses chiffres des statistiques quotidiennes ne suffisent pas à donner un aperçu de la situation, il suffit de se tourner vers les établissements hospitaliers.
Au rythme où l’épidémie s’aggrave, les hôpitaux seront bientôt débordés. Dans certains coins du pays, on pourrait même se retrouver dans des situations pires que celles de la première vague, au printemps dernier.
Vendredi, les hôpitaux de la province de Liège ont fait part de leur inquiétude dans un communiqué commun. Les patients Covid ne cessant de passer leurs portes, ils seront bientôt à court de capacités en termes de lit.
« Le nombre de lits à dédier aux patients COVID ne cesse d’augmenter au détriment des lits dédiés aux autres pathologies. Il existe en outre une problématique criante de pénurie de personnel qui s’aggrave de jour en jour, avec des taux d’absentéisme qui atteignent à certains endroits les 20%. Et les courbes d’évolution montrent clairement que d’ici 48 à 72 heures, nous serons, au niveau de la Province de Liège, dans l’impossibilité d’accueillir les patients qui en auront besoin, COVID ou non », peut-on lire.
Ce lundi, Philippe Devos, médecin aux soins intensifs du CHC à Liège, témoigne que son établissement montre déjà ses limites. « On a maintenant dépassé les 100 patients Covid. Cet afflux massif va empêcher d’admettre les patients qu’on devait opérer aujourd’hui, en tout cas empêcher d’en accueillir une partie. Donc on est en train d’arrêter tout ou presque. Il reste encore quelques places en province de Liège en hospitalisation, donc je ne parle pas de soins intensifs, je parle bêtement de places d’hospitalisation », a-t-il déclaré à la RTBF.
Une histoire de jours
Un constat à chaud qu’avaient prédit certains spécialistes. Récemment, lors d’un symposium de l’ULB, l’épidémiologiste Marius Gilbert a abordé le sujet de la communication et de l’analyse des données épidémiologiques à des fins de décisions politiques.
Il a notamment expliqué comment anticiper l’évolution de l’épidémie en extrapolant les chiffres actuels. Il a pour cela donné ses estimations pour les hospitalisations. Selon lui, si l’épidémie continue de croître à même rythme, d’ici deux semaines l’incidence hospitalière, le nombre d’admissions à l’hôpital pour 100.000 habitants, dépassera celle du printemps dernier. Dans les provinces de Liège et du Hainaut, cela ne pourrait prendre que 7 jours.
Face à cet afflux de massifs de nouveaux patients, les hôpitaux belges seront bientôt obligés de passer à la « phase » supérieure du plan organisationnel plus vite que prévu, détaille Le Soir.
Aujourd’hui, la plupart des hôpitaux sont en phase 1A. Cela signifie que pour 100 lits en soins intensifs, chiffre sur lequel se basent les calculs, ils doivent en réserver 25 aux patients Covid-19, ainsi que 100 normaux.
Cette semaine, beaucoup d’établissements passeront en phase 1B : 50 lits en soins intensifs pour 100 disponibles, et 200 lits normaux.
Ensuite, la phase 2A, qui pourrait arriver bien plus vite qu’on ne le pense, demande 60 lits sur 100 en soins intensifs mais oblige l’hôpital à se débrouiller pour en créer 15 autres avec ses ressources, ainsi que 300 lits normaux.
Enfin, la 2B, on reste à 60 lits sur 100 en soins intensifs, mais là, il faudra en créer 40 nouveaux et prévoir 400 lits normaux.
A plusieurs endroits du pays, d’ici une semaine, les hôpitaux et cliniques devraient passer outre la phase 1B pour monter en 2A immédiatement. « Tout indique que d’ici le 25 octobre, nous serons déjà à la limite haute des capacités requises par la phase 1B », commente Yves Smeets, directeur de Santhéa, la fédération des hôpitaux publics.
Les établissements devront donc rapidement faire des sacrifices dans certaines ailes et dans certains services, pour amener plus de lits en soins intensifs. Une solution consisterait notamment à reporter toutes les interventions et opérations non-urgentes.
Le personnel souffre aussi
Mais pouvoir encaisser les effets de la crise sanitaire n’est pas qu’un problème d’espace et d’équipement, c’est aussi une question de main d’œuvre. Comme n’importe quels travailleurs, les membres du corps médical, bien que protégés, peuvent aussi être infectés par le Covid-19 dans leur cercle privé. On devient rapidement le cas contact de quelqu’un…
« Autant nous avons manqué de matériel au printemps, autant le risque, aujourd’hui, c’est de manquer de mains, sans compter que certains hôpitaux ne peuvent déjà plus assurer la phase 1B entièrement pour cause de maladie de leur personnel », témoignait Philippe Devos dans Le Soir.
Et pour ceux en état de travailler, la situation reste pénible. Selon une enquête en ligne menée début octobre auprès de prestataires de soins, relayée par De Standaard et Het Nieuwsblad, les plaintes psychologiques de ces acteurs de première ligne sont déjà au moins aussi importantes qu'en avril. Plus d’une personne sur deux se sent trop fatigué et une sur trois indique qu’elle n’a pas assez l’occasion de se détendre.